Archives de catégorie : Comptes rendus – Revues

E.T. N° 395 mai-juin 1966

Les revues

Dans le symbolisme d’avril-mai, M. Marius Lepage, à l’occasion de l’adhésion de la Loge « Ambroise Paré » à la « Société des Amis de Rabelais et de la Devinière », publie une notice sur cette association littéraire qui a restauré le domaine familial où naquit l’auteur de Gargantua, et a obtenu son « classement » par l’administration des Beaux-Arts. Dans cette notice, M. Lepage rappelle la qualité d’initié attribuée par certains auteurs au Maître de la Devinière ; peut-être aurait-il pu ajouter que la raison principale -sinon la seule- d’une telle « reconnaissance » est l’emploi, par l’ « abstracteur de quintessence », d’un langage particulier, véritable « jargon » où l’on trouve des termes hermétiques, parfois déformés de la manière la plus inattendue et la plus « amusante ». La Devinière a été transformée en musée, et M. Lepage trouve « émouvant » d’y avoir exposées les œuvres de Rabelais traduites dans les langues les plus diverses, et notamment en russe, chinois et japonais. Nous avouons ne pas partager cet « émoi ». La traduction d’une œuvre initiatique par des profanes, déjà périlleuse dans le cas de langues apparentées, devient une véritable « parodie » quand il s’agit de langues très éloignées de l’originale. Et cela est particulièrement grave en ce qui concerne Rabelais. En effet, le premier résultat d’une telle transposition est de rendre inutilisable certaines « clés » qui permettaient de « restituer » aux termes déformés du jargon leur sens véritable et initiatique. Dès lors, comment les lecteurs de ces modernes adaptations pourraient-ils « rompre l’os et sucer la substantifique moelle », afin d’entrevoir tout au moins ces « très hauts sacrements et mystères orrifiques » (c’est-à-dire « aurifiques ») dont Rabelais, au début de son œuvre, nous promets la « révélation » ? Ils ne verront que les « voiles » disposés par l’auteur : la vulgarité forcée du style et le cynisme apparent des idées, qui sont bien au nombre de ces « choses fortuites » dont le « mépris », au dire de Maître Alcofribas lui-même, constitue le « vrai pantagruélisme ». Continuer la lecture

E.T. N° 394 mars-avril 1966

Les Revues

Le Symbolisme (numéro de janvier-mars 1966) reproduit une allocution de M. Jean Lechantre, prononcée lors d’une « tenue funèbre » à la mémoire des maçons « passés à l’Orient Eternel ». Bien que trop influencée par les idées de certains « penseurs » modernes très profanes (que l’auteur appelle parfois curieusement des « Maçons sans tablier »), cette allocution aborde plusieurs points intéressants, mais qui malheureusement ne sont le plus souvent qu’effleurés. Par exemple, le fait qu’une batterie de deuil doit être immédiatement « couverte »par une batterie d’allégresse illustre une vérité métaphysique importante. Quant à l’expression même d’ « Orient Eternel », pour la comprendre il convient de se souvenir que, dans le langage maçonnique, « un Orient » signifie « une ville ». L’Orient Eternel est donc la Ville Eternelle, et nous pensons que cela ne peut désigner que le Centre spirituel appelé dans diverses traditions la « Ville Solaire » ; et il est à noter à ce propos que la cité d’Héliopolis jouait un grand rôle dans la « géographie mystique » propre à l’ancienne maçonnerie, et dont les derniers vestiges n’ont pas dépassé le début du XIXème siècle. Pour la Maçonnerie de langue anglaise, l’expression qui correspond à l’ « Orient Eternel » est « la Grande Loge d’En-Haut » (The Grand Lodge Above), formellement assimilée au symbole biblique de « la demeure qui n’a pas été construite par la main des hommes, et qui brille éternellement dans les cieux ». L’allocution de Monsieur Lechantre nous a permis de vérifier un fait que nous trouvons quelque peu surprenant. Dans tous les textes du même genre que nous avons lus ou entendus (que ces textes émanent d’ailleurs de Maçons à tendance rationalistes, comme nous pensons que c’est ici le cas, ou de Maçons qui se veulent d’esprit « traditionaliste »), il est un point constamment passé sous silence : c’est que le « destin » posthume d’un initié est différent de celui d’un profane. Et nous craignons qu’une telle « carence » ne soit la marque d’une grave méconnaissance du caractère fondamental de la Maçonnerie. Les initiés aux mystères de l’antiquité – dont les maçons aimaient jadis à se proclamer les successeurs –, même quand ces mystères furent arrivés au dernier degré de leur décadence, n’oublièrent jamais ce qu’ils considéraient comme un privilège aussi précieux que « redoutable ». Et ils n’auraient certes jamais conçu l’idée qu’on pût se faire initier pour une autre raison que celle-là… Continuer la lecture

E.T. N° 305, janvier février 1953

Les revues

La Revue de l’histoire des Religions a publié plusieurs articles sur les “Manuscrits de la mer Morte”. On sait qu’en 1947, deux bergers arabes, à la recherche de bêtes égarées, découvrirent au sud de Jéricho, dans la falaise qui domine la mer, une grotte remplie de jarres, contenant des parchemins hébraïques. Ces textes, acquis par diverses Institutions savantes, comprennent notamment le livre d’Isaïe, un commentaire du petit prophète Habacuc, et plusieurs ouvrages de la secte “sadoqite”. Les spécialistes ne sont pas d’accord sur la date des manuscrits : les uns les font remonter au IVe, les autres au Ier siècle avant l’ère chrétienne. Les sadoqites étaient une secte juive, peut-être apparentée aux Esséniens, et dont on avait retrouvé un écrit en Egypte en 1890. Ils vénéraient un certain “Maître de Justice”, mis à mort à l’instigation d’un “Prêtre impie ” ou “Prophète de mensonge”. Continuer la lecture

E.T. N° 304, Décembre 1952

LES REVUES

Dans le N° 12 (février), de la revue Ogam M. Géreint donne quelques indications sur le symbolisme d’un des oiseaux sacrés des Celtes : le roitelet

Dans le N° 13 (mars), début d’un article sur le géant Gargantua. Nous y apprenons que la forteresse d’Avaricum (Bourges) est dite avoir été construite par Gargantua à l’endroit précis où tomba un marteau qu’il avait lancé dans les airs ; pour commémorer cet évènement, la population de la capitale des Bituriges célébrait une fois par an une “beuverie rituelle”. Gargantua est habituellement représenté avec un gourdin et une hotte. Ses légendes sont localisées sur le trajet d’anciennes voies romaines et pré-romaines. “Il boit aux gués des rivières et construit des ponts”, et parfois même fait apparaitre l’arc-en-ciel.  Continuer la lecture

E.T. N° 303 Octobre-Novembre 1952

Les revues

Dans le Symbolisme de septembre 1951, M. Piette a publié un très important article, intitulé : “L’aspect métaphysique du christianisme”. La connaissance que l’auteur possède de la métaphysique, l’étude approfondie qu’il a faite des œuvres de René Guénon et de M. Schuon, et ses recherches personnelles dans certains “champs” traditionnels assez négligés d’ordinaire, tout cela lui a permis de traiter la question qu’il aborde cette fois d’une façon vraiment magistrale. Il se réfère souvent aux pères du christianisme oriental : Denys l’Aréopagite, saint Maxime le Confesseur, saint Grégoire de Thessalonique, et il semble même avoir consulté des revues ecclésiastiques assez négligées d’ordinaire par les occidentaux. Il est impossible de résumé cet article de 26 pages, qui abonde de vues intéressantes sur le caractère “tout à fait spécial” du christianisme, sur le “schisme” byzantin, sur la “coessentialité” (Les latins disent “consubstantialité”) des trois personnes divines, sur certains passages des textes johanniques (Évangile XIX, 30 et 34 ; et  Épitre V, 7 et 8), et sur une foule d’autres questions. L’auteur tout en s’efforçant d’être impartial entre les branches occidentale et orientale du christianisme, ne cache pas sa prédilection pour cette dernière. Il pense même que le dépôt du “christianisme originel” a été mieux conservé en Orient qu’en Occident. C’est sur quelques points qui ont trait précisément à cette “primauté de l’Orient” que nous voudrions apporter quelques critiques, car il nous semble que l’auteur se montre parfois injuste — bien que toujours respectueux —envers le christianisme occidental. Ainsi lorsqu’il écrit que “Rome représente l’esprit de Pierre et Byzance l’esprit de Paul”, nous ne savons comment concilier cette affirmation avec la fait que l’esprit de Paul est avant tout un esprit “missionnaire” et que cet esprit fut tari de bonne heure à Byzance, alors qu’il s’est maintenu en occident jusqu’à nos jours. En effet, l’Église grecque, une fois l’évangélisation des peuples slaves terminée, entra dans une sorte de “sommeil” qui peut bien lui donner une certaine ressemblance extérieure avec les organisations traditionnelles de l’Orient, mais qui, en tout cas, lui enlève tout droit de se réclamer particulièrement de celui qui écrivit : “Malheur à moi si je n’évangélise !”. A ce propos, nous ne sommes pas non plus d’accord avec M. Piette lorsqu’il écrit : “Le christianisme semble avoir été destiné dès l’origine à jouer un rôle providentiel vis-à-vis des Occidentaux, à la mentalité desquels il se trouvait en quelque sorte pré adapté. A la réserve d’exceptions individuelles, et malgré des siècles d’efforts missionnaires souvent héroïques, il n’a pu, en dépit de son caractère théoriquement universel, s’implanter sérieusement en dehors de l’Europe et des pays peuplés par les Européens”. Qu’est ce que M. Piette appelle “s’implanter sérieusement” ? Estime-t-il que le christianisme est sérieusement implanté en Europe ? Et les “exceptions individuelles” qu’il est bien forcé de reconnaître ne viennent–elles pas combattre sa thèse ? Car on ne saurait prétendre que le christianisme évangélise des étendues géographiques et non des individus. En tout cas, l’existence aux Indes d’une Église malabare qui remonte aux temps apostoliques, celle de l’Église d’Éthiopie, qui est à peu près aussi ancienne, l’immense extension au Moyen Age, de l’Église “nestorienne” chez les peuples dits “tartares”, montrent que le christianisme s’accommode fort bien de la mentalité orientale ; mais nous précisons bien : le christianisme non contaminé d’esprit moderne, la mentalité orientale non “submergée” par les poisons de l’Occident contemporain. Par ailleurs, et dans un tout autre ordre d’idées, est-il bien exact, comme le dit M. Piette, que “saint Jean affirme formellement, par deux fois, qu’une partie de l’enseignement de Jésus n’a pas été mise par écrit” ? Dans les textes évangéliques auxquels l’auteur se réfère (Jean XX, 30 ; et XXI, 25), il est question d’actions du Christ, et non de paroles. Ces réserves très légères que nous nous permettons de faire sur l’article de M. Piette ne diminuent en rien l’intérêt avec lequel nous l’avons lu, et notre désir de voir l’auteur donner suite, dans un avenir rapproché, au dessein, dont il nous fait part, de traiter, dans d’autres études, de l’angélologie et de l’eschatologie chrétiennes. Nous sommes certains qu’ici encore il aura bien des choses intéressantes à nous apprendre. Continuer la lecture

E.T. n° 299, avril-mai1952

LES REVUES

Dans le N° de mai de Masonic light nous mentionnerons un court article, consacré à une question des plus importantes : l’emploi de la langue hébraïque dans les mots sacrés et les mots de passe de la Maçonnerie. Cet article met bien en lumière l’impossibilité de traduire rigoureusement les termes d’une langue sacrée. L’auteur choisit comme exemples les deux mots Sholom et Z’dokoh, qu’on rend habituellement par “paix ” et “charité “. Or le premier ne signifie pas seulement absence de guerre, mais encore intégrité, perfection, santé du corps et de l’âme, harmonie, prospérité ; et Z’dokoh ne signifie pas seulement charité mais avant tout justice, et en conséquence les règles talmudiques considèrent la charité non pas comme une œuvre “surérogatoire “, mais bien comme une œuvre de stricte équité, les biens que tout homme possède ne lui appartenant pas en propre, mais étant un simple dépôt que Dieu lui a confié.

Le N° de la mi-été reproduit quelques extraits glanés dans une publication antimaçonnique qui vient de voir le jour au Canada. Ces extraits donnent, sur l’organisation de la Maçonnerie internationale, des renseignements tellement sensationnels que nous ne résistons pas au désir d’en faire profiter nos lecteurs. “La Maçonnerie ne compte pas 33 degrés, mais bien 34 ; beaucoup de Maçons n’en savent rien, le fait étant tenu strictement secret, même à l’égard des titulaires du 33e degré. Ce 34e degré est constitué par les membres de l’Ordre des Bnai Brith, Ordre qui compte 50 membres, dont 30 sont juifs… Chacune des grandes dénominations du Protestantisme et de l’Eglise orthodoxe, aussi bien que de l’Islam, a sa propre Maçonnerie pour la diriger ; ainsi l’Eglise anglicane est dominée par les Olds-Fellows  ; les méthodistes et les presbytériens sont dominés par l’Ordre des Orangistes ; la Maçonnerie grecque est dominée par les “Chevaliers de Pythias ” ; la Maçonnerie arabo-persane est dominée par le Mystic Shrine ; la Maçonnerie égyptienne est dominée par le Karnac Temple. La Maçonnerie contrôle également les compagnies d’assurances par l’intermédiaire de l’ “Ordre Indépendant des Forestiers “. Elle influe sur la politique mondiale au moyen d’un Suprême Conseil que dirige un Président assisté de 4 ministères. Ce Suprême Conseil a pour emblème un serpent mystique. Le président est juif. Les 4 ministères sont : le ministère de la haine dirigé par un rabbin ; le ministère de la Religion, chargé des cérémonies sacrilèges du culte maçonnique, y compris les meurtres rituels, l’adoration de Baal et le spiritualisme avancé (sic) ; le ministère de la Fausseté aux ordres de l’Intelligence Service, cette dernière organisation étant comme chacun le sait, commandée par le président du Sanhédrin israélite. Le quatrième ministère est celui de l’Erreur, auquel préside le Grand Prêtre des Juifs (resic). Ce dernier ministère est chargé de répandre des mensonges parmi les membres de toutes les Eglises, dans le but de favoriser le judaïsme. Il y a aussi une sorte de sous-secrétariat d’Etat à l’Avarice, dont le titulaire est un des barons de la finance juive. Une telle organisation nécessite des fonds importants. Ils sont fournis par la contrebande en matière de soieries, de bijouterie, d’alcools, de stupéfiants, et aussi par d’autres ressources, telles que la traite des blanches, les banqueroutes frauduleuses et le pillage des maisons incendiées. Une active propagande en faveur de la Maçonnerie s’exerce au moyen de la littérature pornographique, anarchiste et nihiliste, et aussi par les “cercles fraternels ” tels que le Rotary “.

Il paraît que la feuille qui rapporte ces détails surprenants se flatte de compter parmi ses abonnés plusieurs prêtres et un évêque. Masonic light s’en attriste. Mais pourquoi les ecclésiastiques n’auraient-ils pas le droit de se divertir à la lecture de ces folies ? Pour ce qui est des lecteurs ordinaires, il est bien évident que le progrès des lumières les rend aptes à tout accepter. Et les contes bleus que nous avons rapportés sont tout de même plus vraisemblables que les histoires qui avaient cours en France au début du siècle sur le diable Bitru, grand visiteur de Loges, et certain crocodile, joueur de piano. Et quelques années seulement nous séparent de la publication de L’élue du Dragon, où tous détails étaient donnés (avec plans à l’appui) sur les pratiques des ” arrière-loges “, pratiques sur lesquelles nous nous garderons d’insister, parce qu’elles relèvent de la police des mœurs. Il est par ailleurs bien évident que l’Eglise catholique ne saurait être rendue solidaire des mensonges (beaucoup moins inoffensifs qu’on pourrait être tenté de le croire) des anti-maçons ; la vérité, c’est que ces derniers s’efforcent de compromettre certaines personnalités religieuses dans leurs campagne ridicule…et qu’ils y réussissent quelquefois. Du reste, même au Canada de langue française qui semble être aujourd’hui le dernier refuge de l’antimaçonnisme militant, il n’est pas rare que des relations courtoises existent entre la Maçonnerie et des organisations strictement catholiques. Masonic light donne sur ce point des indications qui surprendraient certainement beaucoup de Français.

Dans le N° de septembre, nous trouvons quelques notes sur la carrière maçonnique de Daniel O’Connel, le “Libérateur irlandais “, qui, non seulement sut rendre une âme à sa patrie opprimée, mais encore fut le véritable artisan de l’ “acte d’émancipation ” de 1829, par lequel tous les catholiques du Royaume Uni reçurent la plénitude des droits civils et politiques, appartenait en effet à la Franc-Maçonnerie. Il joua d’ailleurs un rôle maçonnique actif : initié en 1799 à la Loge N°189 de Dublin, il en devint le Président l’année suivante. Il fut membre fondateur d’une Loge de Tralee et affilié d’une Loge de Limerick. Mais en 1838, ayant eu connaissance des condamnations pontificales portées contre l’Ordre, il se retira volontairement de la Maçonnerie, à laquelle il avait appartenu presque 40 ans.

Dans le même N°, est annoncée l’élection, comme Grand Maître de la Grande Loge Unie d’Angleterre, du comte de Scarbrough, ancien Grand Maître de la Grande Loge de District de Bombay.

Dans le Symbolisme de juin 1951, nous signalerons un bel “hommage à René Guénon “, par M.G. de Saint Jean.

Viennent ensuite trois études sur les rapports du Rosicrucianisme et de la Maçonnerie, signées respectivement de MM. Lepage, Bernard E. Jones (étude extraite du Freemason’s Guide and compendium) et G.H. Luquet. Dans cette dernière étude, qui est de beaucoup la plus longue, M. Luquet analyse les divers textes sur lesquels on a tenté de s’appuyer pour prouver que les Rosicruciens ont joué un rôle lors du passage de la Maçonnerie opérative à la Maçonnerie spéculative. Ce sont divers poèmes, opuscules, lettres et articles de journaux, qui s’échelonnent de 1638 à 1730. S’il semble bien, comme le dit M. Luquet, que chacun de ces écrits pris à part ne prouve pas grand-chose, il est tout de même étrange de voir, dans six des neuf textes analysés, le nom des Franc-maçons rapproché de celui des Rose-Croix et, dans un septième texte, de celui des Kabbalistes. Ce faisceau de coïncidences est digne d’examen, si l’on songe à l’habitude des rosicruciens de procéder par allusions, d’attirer l’attention pour la détourner ensuite, de jeter eux-mêmes le discrédit sur leurs propres ouvrages. Le huitième des neufs textes étudiés, que M. Luquet analyse longuement, est intitulé Long Livers (ce qu’on pourrait traduire par : “Ceux qui sont doués de longévité”), publié à Londres en 1723, sous le nom d’Eugenius Philalethes junior. C’est la traduction d’un traité hermétique d’Arnaud de Villeneuve, traduction dédiée “aux Grands-Maître, Maîtres, Surveillants et Frères de la très ancienne et très honorable Fraternité des Francs-Maçons de Grande Bretagne et d’Irlande”. Sur l’identité de l’auteur de cet ouvrage, du reste fort intéressant, voici ce que nous dit M. Luquet : “En s’appelent Eugenius Philalethes le jeune, il a tout l’air de vouloir se placer sous le patronage d’un Eugenius Philalethes plus ancien. En fait, des livres imprimés de 1650 à 1657 étaient signés Eugenius Philalethes. Son vrai nom fut Thomas Vaughan. Mais la question se complique. Des ouvrages du même genre que ceux d’ Eugenius Philalethes ont été publiés à Amsterdam et à Londres de 1664 à 1678 par un certain Eirenaeus Philalethes, “Anglais de naissance et cosmopolite de résidence”, qu’on est parvenu à identifier. Divers auteurs ont confondu ces deux Philalethes, et ils sont d’autant plus excusables qu’à ce qu’on dit, Eirenaeus lui-même aurait pris pour un de ses ouvrages le prénom d’Eugénius. Il n’y aurait donc rien de surprenant à ce qu’Eugenius Philalethes ait commis la même confusion, et, bien que se plaçant sous le signe d’Eugenius, se soit inspiré à la fois d’Eugenius et d’Eirenaeus”. En somme, tout a été fait, et même très bien fait, pour “brouiller les pistes”, et l’on ne s’y retrouve guère…

Ceux qui voudront d’autres renseignements sur les deux(ou sur les trois) Philalethes, “jeunes” ou non, et qui apparurent ça et là sous les noms de Georges Starkey, Dr Zhiel, Childe, Carnobius, pourrons consulter leThéosophisme de René Guénon (p.53) et aussi l’Histoire et Doctrines de Roses-Croix de Sédir (p.357). Quoi qu’il en soi ; Long Livers du avoir un certain retentissement dans le monde maçonnique d’alors, car M. Luquet nous apprend que cinq ans plus tard, un haut dignitaire de la Maçonnerie galloise, Edward Oackley, fit, devant la Loge londonienne  “aux Trois Compas” un discours qui fut imprimé ensuite dans un document officiel, et où il reprenait non seulement les idées de Long Livers, “mais jusqu’à des passages textuels, entre guillemets”. Signalons aussi trois points dont M. Luquet ne parle pas, mais qu’évidemment il ne peut ignorer. D’abord, s’il est bien vrai que Long Livers ne fait aucunement mention des Roses-Croix, cet ouvrage n’en est pas moins “signé” par eux, car, dans une partie de la préface qui précède celle que M. Luquet a traduite, il est parlé de certaines personnes “dont le nom doit être rayé pour toujours du livre M.” Il s’agit bien évidemment du “Livre M.” des Roses-Croix, qu’on a interprété par Liber Mundi ou même par Mutus Liber, et qui est le seul livre dans lequel ils consentaient à lire, eux qui n’écrivent point. Ensuite, il est fait mention de Long Livers et du “Frère” Eugenius Philalethes dans un ouvrage édité à Londres en 1723 “à l’usage des Loges” et intitulé Ebrielatis Encomium (“Eloge de l’ivresse”). Enfin divers auteurs ont pensé qu’Eugenius Philalethes était un certain Robert Samber, qui vivait dans l’entourage du duc de Montagu, successeur de Désagulier comme Grand-Maître des “Modernes”.

 – Dans le N° de septembre-octobre-novembre, article de M.J. Corneloup, intitulé “Le Centre du Monde”. L’auteur, dont on sait les tendances rationalistes, reconnaît très franchement qu’en l’espace d’une génération, une évolution s’est produite dans les milieux “cultivés” : alors qu’au début de notre siècle, les “spiritualistes” y étaient considérés comme des “originaux” ou même comme des “faibles d’esprit”,  ce sont maintenant les matérialistes  qui font figure d'”attardés” et de mini habentes. M. Corneloup est d’ailleurs aussi sévère pour les “forcenés du scientisme” que pour les “mousquetaires du néo-spiritualisme”. Mais il est visible que ses sympathies vont tout de même aux premiers : en effet, il s’attaque dans son étude à la conception traditionnelle selon laquelle l’homme est le “centre du monde” et il “met en face ce que nous savons aujourd’hui : que l’homme n’est qu’une infime moisissure”(sic). Et il ajoute : “La plus humble abeille, la plus chétive fourmi, peut croire qu’elle est faite à l’image de l’Etre Suprême qui lui a dicté son décalogue en créant l’univers spécialement pour que son espèce y prospère”. Nous nous demandons vraiment ce que pourrait être un Décalogue pour abeilles et pour fourmis. Mais nous étonnerons sans doute M. Corneloup en lui disant que si ces estimables insectes constructeurs étaient doués de la faculté de penser (ce que nous ne croyons pas, la pensée étant le propre du règne hominal), et si, dans leurs cogitations, ils se figuraient être l’image du Suprême Architecte des Mondes, ils auraient parfaitement “raison” ; car ils le sont en effet. Le Maçon qu’est M. Corneloup ne sait- il pas que l’abeille, insecte géomètre, “fille de la Lumière”, annonciatrice des premiers soleils, qui “rassemble ce qui est épars” en butinant toutes fleurs pour faire à l’homme ce don divin : le miel, “substitut” de l’ambroisie, est un des plus anciens symboles du Maître Maçon, symbole lui-même de l’Architecte de toutes choses ? Oui, l’abeille est bien créée à l’image de Dieu, et, plus précisément, elle est l’image du Verbe créateur ; ne vole-t-elle pas sur les lèvres du divin Platon, le chantre du Logos, et sur celles de saint Ambroise, dont le nom est le nom même de l’ambroisie, et dont la parole d’or, selon la liturgie catholique, “engendra au Christ saint Augustin, cette éclatante lumière de l’Eglise” ?

M. Corneloup, qui a si souvent siégé au Débir, ne sait-il pas que ce mot hébraïque est le nom même de l’abeille, Débora, tiré de la racine DBR, qui signifie “parole” ?  Lui qui dans ses “allocutions de bienvenue” aux nouveaux Maçons, a dû souvent leur transmettre l’antique devise initiatique : connaît  toi toi-même, sait aussi bien que nous que cette sentence était gravée au “Delta” du temple élevé par les Grecs à la “Vraie lumière”, et dont le “prototype”, construit en cire par les abeilles, fut transporté par le “Dieu géomètre” dans son royaume d’Hyperborée. M. Corneloup nous dira sans doute que ce sont là des “légendes”, qu’on ne peut mettre sur le même plan que les “certitudes de la science”, selon lesquelles l’abeille et l’homme sont des “moisissures”. Mais nous, qui ne professons aucun respect pour la “science” d’aujourd’hui, d’hier ou de demain, nous pensons avec la “tradition perpétuelle et unanime” que l’abeille, comme la fourmi, le papillon, le scarabée, comme tous les insectes, tous les animaux, toutes les plantes, toutes les pierres, comme toute la parure de la terre et toute l’armée des cieux, est un symbole de l’Être divin. “Car les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil, depuis la création du monde, quand on considère ses ouvrages” (Epitre aux Romains, I, 20). Toutes choses étant des symboles de Dieu, sont “à l’image de Dieu”, le moins imparfait de ces symboles étant l’homme, qui occupe de ce fait une place “centrale” dans l’univers, et le plus parfait étant l’Homme Dieu, “qui a manifesté d’une manière ineffable les perfections du Père”. A la fin de son article, M. Corneloup donne aux “spiritualistes” et aux chrétiens en particulier quelques conseils que nous reproduisons in extenso : ” Mon seul désir est d’aider mon frère néo-spiritualiste à dépouiller ses métaux, et non de troubler sa foi, quelle qu’elle soit. Si, par exemple, sa vocation est d’être chrétien, j’applaudirai à ce qu’il s’y efforce. Mais qu’il soit chrétien dans l’humilité et dans la clarté. Quand il prononcera “Notre Père qui êtes aux cieux”, qu’il sache quel est ce Père, ce que sont ces cieux. Et il ne le saura que s’il a une nouvelle fois crucifié le Fils dans son cœur. Mais alors il pourra marcher sur le sentier initiatique en compagnie de l’athée qui, surmontant effroi et dégout, a frappé aux portes de la Mort et a découvert la Vie”. M. Corneloup nous croira-t-il si nous lui disons que le conseil de “Crucifier une nouvelle fois le Fils dans leur cœur” ne peut être écouté par des chrétiens qu’avec horreur ? Il connaît mal, ou plutôt il ne connaît pas du tout le christianisme, et c’est pourquoi nous ne lui en voulons point. Ce qu’un chrétien doit “crucifier dans son cœur”, c’est le “vieil homme” et il doit s’efforcer de “ressusciter avec le Christ”. Et quelle idée M. Corneloup se fait-il donc de la Foi quand il s’imagine qu’elle puisse être “troublée” par les arguments rationalistes ? Il est visible qu’il confond cette vertu théologale avec la simple “croyance”, semblable à la croyance que peut avoir un scientiste dans les “enseignements” éphémères et les “toutes dernières acquisitions” de la science du jour. Mais la Foi n’est pas un échafaudage de vérités partielles plus ou moins bien assemblées, et dans lequel il suffirait d’enlever un élément pour que tout s’effondre. C’est bien autre chose, qu’il serait trop long d’expliquer à M. Corneloup. D’autre part, nous ne cacherons pas notre surprise d’apprendre qu’il existe des athées qui ont “frappé aux portes de la Mort et y ont découvert la vie”. Jusqu’ici, ceux dont nous avions entendu dire à peu près la même chose, comme le Christ ou Dante, n’étaient pas précisément des athées. Il nous est difficile de croire M. Corneloup sur parole, car son affirmation est bien grave, et le monde est bien vieux… Pour terminer, nous ajouterons qu’il est impossible à un être limité, tel que l’homme, de se faire une idée claire de la divinité. Que M. Corneloup, dont le zèle pour la Maçonnerie est réel et sincère — et c’est pourquoi il nous est au fond si sympathique, et c’est pourquoi nous nous sommes attardé si longuement à essayer de le réfuter — que M. Corneloup lise donc le récit de la dédicace du Temple maçonnique (I Rois VIII, 10-12). “Au moment où les prêtres sortirent du lieu saint, la nuée remplit le temple de l’Eternel. Les prêtres ne purent y rester pour le service, car la gloire de l’Eternel remplissait le temple. Alors Salomon s’écria : L’Eternel veut habiter dans l’obscurité”. Rien ne peut évidemment s’opposer à la volonté d’En-Haut. Or Salomon nous l’affirme, l’Eternel veut habiter dans l’obscurité. C’est le “Maçon du Seigneur” qu’il nous faut croire, et non pas M. Corneloup. – Dans le même N°, M. Jean Piette a publié un article intitulé : “L’aspect métaphysique du Christianisme”, dont nous nous proposons de parler prochainement.

Denys Roman

E.T. n° 298, mars 1952, pp.93-96

Lettres d’Humanité VI (1947)

Lettres d’Humanité, organe de l’association Guillaume Budé a publié dans son tome VI (1947), sous la signature de M. Pierre Grimal, de curieux renseignements sur les jardins romains. Ces jardins, que l’auteur qualifie très justement de « souvenir d’un paradis perdu » présentaient certaines particularités qui en faisaient de véritables « microcosmes ». C’est ainsi que la « maison d’or » de Néron comportait un lac central, qui était l’image de la Méditerranée, centre du monde alors connu ; le jardin d’Adrien à Tibur réunissait les symboles de tous les lieux célèbres de l’Univers (par exemple la vallée de Tempé et les enfers) ; d’autres jardins renfermaient une grotte assimilée à la caverne du mont Ida où la chèvre Amalthée avait allaité Jupiter. Certaines indications de M. Grimal intéresseront nos lecteurs : Continuer la lecture

E.T. n° 297, janv.-fév. 1952, pp. 39-48

The Speculative Mason nº 3-4 de 1950

The Speculative Mason (nº 3-4 de 1950) a publié la traduction de l’article que M. François Bruel a fait paraître dans Carrefour à l’occasion de la mort de René Guénon. Cette traduction est précédée de la formule usitée dans les Loges britanniques pour remercier le Maître de la « promulgation des signes substitués » , et suivie des cinq derniers shlokas de llsha Upanishad. Nous remercions bien vivement notre confrère anglais de ces marques d’estime pour celui qui fut, pendant si longtemps, le principal collaborateur de notre revue.  Continuer la lecture

E. T. nº 296, décembre 1951, pp. 388-398

Le Symbolisme de janvier 1950

– Le nº de janvier 1950 du Symbolisme débute par un article de « La Lettre G » sur l’ouvrage posthume d’Albert Lantoine : Finis Latomorum. « La Lettre G » approuve les critiques qu’Albert Lantoine a portées contre ce qu’il considérait comme les tares de la Maçonnerie latine de son temps : c’est-à-dire le prosélytisme en matière de recrutement et les préoccupations politiques de trop d’ateliers ; « La Lettre G », par contre, regrette justement l’incompréhension de Lantoine pour tout ce qui touche au symbolisme et au ritualisme de l’Ordre. Continuer la lecture

E. T. nº 292, juin 1951, pp. 187-191

Masonic Light de novembre 1950

Dans le nº de novembre de Masonic Light, un dignitaire de district de la Maçonnerie canadienne expose ses vues sur le recrutement et sur le travail maçonnique ; il souligne que ce recrutement ne doit pas se faire en sacrifiant la qualité à la quantité, et il rappelle que l’essentiel du travail maçonnique consiste dans l’étude du symbolisme « caché derrière chaque mot du rituel, et qui constitue un ensemble de leçons qui doivent enrichir nos vies et élargir nos horizons ». Continuer la lecture