Archives par étiquette : Dionysos

E.T. N°424-425 – Mars-avril et mai-juin 1971

LES REVUES

Dans le Symbolisme (n° de janvier-juin 1970), M. Jean- Pierre Berger donne la traduction du manuscrit Graham, daté de 1726, mais qui n’est connu que depuis 1936. Le traducteur remarque qu’« il diffère très profondément des autres manuscrits maçonniques pris dans leur ensemble ». Aussi envisage-t-il l’existence probable, dans l’ancienne Maçonnerie, de courants traditionnels « substantiellement différents ». Le manuscrit Graham est somme toute assez peu intéressant. Les constructeurs de la tour de Babel y sont mentionnés en termes défavorables, alors qu’ils sont loués dans les Old Charges. Comme, en 1726, on était en pleine période « andersonienne », il n’est sans doute pas interdit de supposer qu’une telle innovation avait pour but de rendre les « légendes » maçonniques plus confor­mes à la lettre des Ecritures chrétiennes. Une autre cho­se curieuse, c’est que le rôle d’Hiram-Abif y est, pour ainsi dire, tenu par Noé. Cela pourrait donner lieu à d’intéressants rapprochements.

— Dans le même numéro, nous signalerons un article intéressant de M. Jean Tourniac, intitulé : « L’abbaye de Saint-Victor et la spiritualité médiévale », à propos d’un livre récent de M. l’abbé Jean Chatillon. M. Tourniac mentionne certains points assez curieux de la biographie du fondateur, nommé Achard. Nous voudrions ajouter quel­ques remarques qui d’ailleurs dépassent le cadre que sem­blent s’être fixés MM. Chatillon et Tourniac, mais qui se rapportent à l’un des épisodes les plus célèbres de la littérature ésotérique de langue française. Pantagruel, aus­sitôt arrivé à Paris, se précipite à la fameuse abbaye pour y consulter « les beaux libres de la librairie Saint-Victor ». Tout le chapitre VII du livre de Pantagruel est consacré à l’énumération cocasse et truculente de ces prétendues ouvrages : la plupart des titres, heureusement, sont en latin ; et parmi ceux qui sont en français, on ne peut guère citer que « Le Moutardier de pénitence » et le traité « Des pois au lard, cum commento ». Quelle raison pouvait bien avoir Rabelais pour déployer ainsi sa verve impitoyable aux dépens des religieux de Saint-Victor ? Certains « maîtres » de l’histoire littéraire ont regretté à ce propos que Rabelais « abuse de l’énumération, procédé peu comique ». Ce sont là des critiques tout extérieures, et Rabelais était bien autre chose qu’un « homme de let­tres ». Il devait avoir ses raisons pour attribuer plaisam­ment aux « Victorins » la lecture de ces 140 ouvrages peu en rapport avec la réserve monastique ; et l’accumulation de bouffonneries un peu trop libres qu’il se permet n’était sans doute qu’un voile destiné à « couvrir » ce qui allait suivre : car Rabelais, utilisant le symbolisme de Silène (l’ivrogne juché sur un âne qui précède Dionysos, le dieu paré de l’améthyste), nous a prévenus que c’est dans les boîtes d’apparence les plus vulgaires qu’il place les meil­leurs onguents . Au chapitre suivant (chap. VIII de Panta­gruel), on trouve effectivement la lettre de Gargantua, d’un tout autre caractère, et dont la date semble bien avoir une « résonance » templière (cf. E.T. de septembre 1969, p. 210, n. 14). — Les gloires de l’abbaye de Saint- Victor au XIIe siècle furent en relations d’amitié avec saint Bernard et, comme certains Cisterciens, ils contri­buèrent à la diffusion des plus remarquables des Pères grecs. Il serait intéressant de rechercher quelle fut l’attitu­de des religieux de Saint-Victor pendant le procès des Templiers. Ce point élucidé permettrait peut-être de com­mencer à débrouiller la question fort complexe des « affi­nités traditionnelles » de Rabelais.

— Nous signalerons enfin, toujours dans le même numé­ro, le début d’un très long article de M. Robert Amadou sur « Louis-Claude de Saint-Martin et la Franc-Maçonne­rie ». Nos lecteurs savent le peu d’intérêt qu’accordait René Guénon au Philosophe Inconnu. Mais il y a dans l’article de M. Amadou deux remarques incidentes entre lesquelles, à première vue, il n’y a pas de liaison, mais qui pourraient bien en avoir une d’un certain ordre. Il note en effet que le « dossier Téder » a disparu de la Bibliothèque de Lyon où il était conservé avec d’autres documents de la collection de Papus. Une telle disparition n’est peut-être pas tout-à-fait irréparable. Il semble, en effet, qu’un certain nombre de documents de l’Ordre du Temple rénové, qui devraient coïncider pour une part avec le contenu du dossier Téder, aient été conservés en mains sûres. Nous pensons qu’il en sera fait état quelque jour : au reste, « le temps et les circonstances » en déci­deront.

Passons maintenant à l’autre remarque de M. Amadou. Il cite une lettre publiée dans L’Acacia de mars 1909 et signée par L. Desjobert, R. Guénon et Victor Blanchard. On y lit :

« Ce que le cléricalisme et la réaction sous toutes ses formes redoutent par-dessus tout, ce sont les maçons qui « se rattachent à la tradition de l’illuminisme, et cela se comprend aisément lorsqu’on sait quel fut le rôle historique des Illuminés. Ce sont eux qui travaillèrent sans relâche à l’affranchissement de l’Humanité, qui préparèrent la Révolution française, qui rédigèrent la « Déclaration des Droits de l’Homme » ; c’est à l’un des plus illustres d’entre eux, à L.-CL. de Saint-Martin, qu’est due la grande Trilogie : « Liberté, Egalité, Fraternité », qui fut une devise maçonnique avant de devenir la devise républicaine ».

La lettre dont ce paragraphe est extrait (elle en contient huit autres absolument du même genre) est datée du 22 février 1909. Dix mois plus tard paraissait le premier numéro de La Gnose, où Palingénius (Guénon) commen­çait la publication de son œuvre écrite qu’il ne devait abandonner qu’à sa mort. Il suffit de comparer la lettre adressée à L’Acacia — qui rassemble les lieux-communs les plus rebattus de l’occultisme et de la Maçonnerie politicar­de — avec les premiers articles de La Gnose, qui portent en germe toute l’œuvre subséquente du Maître, pour me­surer l’ampleur de la « modification » qui s’est opérée chez ce tout jeune homme, à une date qu’il est très difficile de déterminer avec précision, mais qui doit se placer dans le cours de l’année 1909. L’étude des documents de l’Ordre du Temple rénové, quand il sera loisible de les examiner, permettra peut-être de résoudre cette énigme.

Mais M. Robert Amadou n’effectue pas un tel rapprochement. Simplement, après avoir rapporté le texte de L’Acacia, il qualifie Guénon de « métaphysicien très ri­goureux, mais historien sans critique et d’ailleurs historiophobe ». Nous proposerons une modification à ce ju­gement qui nous parait un peu… hâtif. La lettre dont M. Amadou a reproduit un fragment ne permet pas de déceler si Guénon (l’un des signataires) était ou n’était pas mé­taphysicien ; et il est vrai que les thèses historiques expri­mées dans cette lettre manquent de critique et sont même d’une banalité et d’un « conformisme » surprenants. En revanche, le Guénon de La Gnose et de ce qui a suivi est le plus grand métaphysicien dont l’œuvre nous soit parvenue ; et, bien loin d’être « historien sans critique » ou « historiophobe », il a projeté sur ce qu’est devenue aujourd’hui l’histoire la critique la plus lucide, la plus constante et la plus impitoyable.

A une époque où, sous l’influence de Paul Valéry, la légitimité même de l’histoire était contestée par de nom­breux esprits, Guénon, prenant prétexte de la publication par son ami André Lebey d’un opuscule intitulé Nécessité de l’Histoire, soutenait hautement cette nécessité et dé­nonçait les dangers très graves de toute méconnaissance de l’histoire, — de l’histoire qui est une science tra­ditionnelle d’une éminente dignité. Mais, en même temps, Guénon dénonçait les graves méfaits de la « falsification de l’histoire », à l’œuvre depuis plusieurs siècles, et qui a finalement abouti à ce que certains tentent aujourd’hui d’imposer sous le nom tout-à-fait éloquent de « quanti­fication de l’histoire ». Des historiens gaspillent leur talent à étudier l’« évolution des prix » sous Pépin le Bref, où les variations des « taux de nuptialité » dans le Bas Palatinat au moyen âge. Cela ne manque pas d’intérêt ; et l’emploi, qui commence, des ordinateurs nous promet de nouveaux et considérables progrès. Non, cela ne manque pas d’intérêt. Surtout pour ceux qui tiennent par-dessus tout à ce que les recherches historiques ne débouchent en aucun cas sur des découvertes qui pourraient laisser soupçonner l’existence de « la formidable entreprise de suggestion qui a fabriqué la mentalité moderne » (Le Règne de la quantité et les Signes des temps, p. 90).

Guénon, nullement « historiophobe », a énoncé les con­ditions d’une véritable « philosophie de l’histoire ». Parmi ces conditions, il faut mentionner tout d’abord l’abandon des préjugés évolutionnistes, et ensuite la référence aux doctrines traditionnelles des cycles cosmiques et de la domination successive des différentes « castes » de l’hu­manité (cette dernière doctrine ayant d’ailleurs été explicitement formulée par Platon dans la République et dans les Lois). Les historiens actuels sont évidemment aux an­tipodes de telles conceptions, et ne peuvent prendre au sérieux un auteur qui ne croit pas au hasard ni aux révolutions spontanées, qui admet l’existence d’« un courant de satanisme dans l’histoire », qui prétend que les méthodes de l’érudition modernes ont été inventées pour égarer ceux qui les utilisent, et qui affirme que toute l’histoire contemporaine est à récrire. Pourtant, des historiens de valeur, quand ils se trouvent réunis en « ta­ble ronde » pour discuter, conviennent parfois que la scien­ce historique d’aujourd’hui est en état de crise — ainsi, parait-il, que toutes les « sciences de l’homme » en géné­ral. Qui sait ? Un jour viendra peut-être où des historiens s’inspireront des principes posés par Guénon (principes métaphysiques, c’est à dire s’appliquant à l’universalité des sciences) et se détourneront des tendances des différentes écoles historiques actuelles, tendances qui toutes ne visent qu’à l’accumulation d’une quantité de détails d’où ne peut surgir aucune synthèse.

Les Lettres Mensuelles sont une revue maçonnique dont la publication s’était interrompue durant 5 ans. On y trou­ve, à côté d’articles sur la Maçonnerie, d’autres qui traitent de questions économiques et même para-politiques. Nous ne parlerons ici que des premiers. Le n° de janvier-février 1970 contient un bon article de M.J. Corneloup intitulé : « Regards sur la Franc-Maçonnerie aux Etats-Unis d’Amé­rique ». La partie historique rappelle brièvement les principaux faits qui ont marqué la vie de l’Ordre dans la Nouvelle-Angleterre : les premières fondations de Loges par les « Modernes » vers 1733 ; l’intervention, en 1752, des « Anciens » qui, malgré la résistance de leurs adversaires, « imprimèrent, dit M. J. Corneloup, leur cachet particulier à la Maçonnerie américaine » ; l’introduction par des Maçons français (et notamment par Etienne Morin) des grades du « Rite de Perfection » ; les conséquences de la guerre d’indépendance, qui provoqua la formation d’une Grande Loge autonome dans chacun des 13 Etats de l’Union, et aussi la fondation d’une Maçonnerie réservée à la race noire (Prince Hall Masonry) qui par la suite devait connaître une très grande extension ; l’introduction des hauts grades du Rite d’ York (Chapitres de Royale Ar­che et Camps de Chevaliers du Temple) vers 1800 ; la cons­titution à Charleston du premier Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté en 1801 ; la terrible crise anti-maçonnique provoquée par la disparition en 1826 de William Morgan (un Mormon) ; et les vicissitudes des re­lations maçonniques avec l’Angleterre et surtout avec la France. L’auteur parle également des « annexes » non ma­çonniques crées pour les femmes, et qui rappellent un peu la Maçonnerie d’adoption du XVIIIe siècle. M. Corneloup n’est pas tendre pour les Maçons américains dans son article ; mais beaucoup de ses critiques à la Maçonnerie américaine devraient bien plutôt s’adresser à la civilisation américaine elle-même. Il est injuste de dire du Maçon américain qu’ « il est à ranger dans la catégorie des sectateurs du Veau d’or ». Les sectateurs du Veau d’or, hélas ! ce sont, avec les Américains, les Européens eux-mêmes qui, depuis des siècles, pratiquent avec ferveur le culte de Mammon. Ne nous voilons pas la face pudique­ment : si l’Europe imite aujourd’hui l’Amérique (et si, se­lon toute vraisemblance, le monde l’imitera demain), c’est l’Europe qui a commencé à donner à tous le mauvais exemple — M.J. Corneloup, qui, durant toute sa carrière maçonnique, a travaillé, non sans efficacité, au maintien et à la restauration des usages rituéliques, écrit : « C’est seulement dans l’intimité de la méditation que le Maçon tient approcher l’initiation », et il semble douter que les conditions de la vie maçonnique américaine favorisent le « perfectionnement rituel » de ses membres. Mais qui peut l’affirmer ? Ils sont peut-être plus nombreux qu’on le pense, les Maçons américains qui ont pris au sérieux l’in­jonction qui leur fut adressée le soir de leur initiation : « de faire chaque jour un nouveau progrès dans l’art de la Maçonnerie ».

Dans son article, M. Corneloup a omis de signaler une particularité américaine touchant l’organisation des hauts grades non « écossais ». Alors qu’en Angleterre ces grades sont indépendants les uns des autres et peuvent être reçus dans un ordre quelconque, en Amérique au contraire ils sont hiérarchisés et répartis selon une division où l’on peut déceler l’intention de distinguer entre la Square Ma­sonry (utilisant un symbolisme rectiligne), l’Arch Masonry (utilisant un symbolisme curviligne), la Cryptie Masonry (dont le symbole essentiel, la « pierre de fondation », peut être rapproché du luz) et la Chivalric Masonry. Un tel « système », qui constitue le « Rite d’ York » proprement dit, a pour grade suprême celui de Chevalier Templier ».

Dans ce même n°, un autre article, de M. Jean Bossu, parle du général de Sonis à propos d’une biographie déjà ancienne de ce soldat héroïque, né à la Guadeloupe, et qui, malgré ses opinions monarchiques « légitimistes », fit une brillante carrière militaire sous le Second Empire et la IIIe République. Bien que catholique fervent, il appartint à la Franc-Maçonnerie. La biographie en question a donné de ce fait des explications relevant de la plus haute fan­taisie et dont M. Bossu n’a pas de peine à démontrer l’inanité. Il rétablit les faits d’après des documents diffi­cilement contestables. Sonis, alors élève à l’école de cava­lerie de Saumur, fut initié à la Loge « La Persévérance ». Affecté ensuite à un régiment en garnison à Castres, il devint Maître des Cérémonies de la Loge « L’Harmonie Universelle ». Quelques années plus tard, vint à la tête de son régiment un nouveau colonel, nullement hostile à l’Ordre, mais qui, estimant la Loge de Castres « mal fré­quentée » (en comparaison, paraît-il, avec celle de Moulins), défendit à ses officiers d’assister aux tenues. Sonis dut s’in­cliner comme les autres. Il ne semble pas cependant qu’il ait jamais donné sa démission, et il est bien possible après tout que, déçu par l’évolution de la Maçonnerie française et surtout du Grand Orient, Sonis soit demeuré un Maçon volontairement « en sommeil ».

L’article de M. Bossu, très limité dans son objet, n’avait pas à faire mention d’autres faits qui ne sont peut-être pas uniquement « pittoresques ». Le général de Sonis ne s’est- il pas engagé, avant la fin du Second Empire, dans le corps des « zouaves pontificaux » qui tentèrent un effort désespéré pour maintenir le trône de « Pie IX pape et roi » ? Après la ruine de cet ultime espoir, Sonis ne fit-il pas partie, avec beaucoup d’autres zouaves pontificaux, des « Volontaires de l’Ouest » qui, sous la conduite de Charette, combattirent les armées allemandes et se cou­vrirent de gloire à la bataille de Loigny ? Sonis et Charette sont d’ailleurs enterrés dans l’église de Loigny, et le cimetière de ce village conserve les restes d’un grand nombre de zouaves pontificaux qui tombèrent là le 2 dé­cembre 1870. Il y avait aussi dans ce pays un monastère de Bénédictines qui, vers la fin du XIXe siècle, se révoltèrent contre l’autorité diocésaine. Chose assez curieuse : après la déconfiture de Léo Taxil, une des personnes qui se faisaient passer pour Diana Vaughan eut l’intention, pa­rait-il, d’entrer en contact avec ce monastère. Guénon a fait mention incidemment de cet étrange « pèlerinage » (cf. Etudes sur la F.-M., t.l, pp. 103-104).

—     Le même auteur, dans le n° suivant (mars-avril 1970), fait quelques réserves sur l’article de M.J. Corneloup dont nous parlions plus haut ; dans cet article, M. Corneloup critiquait la pratique, obligatoire en Amérique, de réciter le rituel entièrement par cœur. M. Jean Bossu insiste sur les avantages de la récitation sur la simple lecture. Mais nous pensons qu’il aurait pu aller plus loin encore, car le but de l’initiation est bien au-delà de l’« impres­sion » que peut faire sur le récipiendaire un rituel plus ou moins bien exécuté.

Après cet article du n° 2, il nous faut attendre le n° 9 (octobre 1970) pour trouver un article digne d’inté­rêt du point de vue initiatique. Cet article est signé de M. Jean Baylot et intitulé : « La Franc-Maçonnerie traditionnelle ». L’auteur, en effet, préfère cette expression à celle de « Maçonnerie régulière » qui, dit-il, « hérisse » les Frères relevant d’Obédiences non reconnues extérieure­ment. Nous pensons qu’il a raison de faire une telle dis­tinction ; et peut-être serait-il encore préférable de trou­ver une autre expression, car il va sans dire que certaines Loges appartenant à des Obédiences sans relations exté­rieures peuvent fort bien témoigner d’un esprit tradition­nel authentique. — L’article (trop bref) de M. Baylot con­tient d’excellentes remarques sur les illusions que se font certains ateliers quant à la portée de tout travail maçon­nique qui ne serait pas exclusivement basé sur la science du symbolisme. Il écrit : « Une réunion d’hommes qui, dans le concert de la pensée la plus élevée, avec des res­sources d’érudition, de courage, de vertu, s’essaye à appro­fondir avec un désintéressement total les problèmes du temps n’a rien à voir avec la Franc-Maçonnerie. La nobles­se de ses desseins, la qualité de ses efforts n’est pas en question. Il ne suffit pas que, dans la meilleure hypothèse, elle agrémente d’« un quart d’heure de symbolisme » l’es­sentiel de sa réunion ». En effet, un quart d’heure de symbolisme par mois ou même par quinzaine est tout à fait insuffisant pour « réaliser les objectifs de la Maçon­nerie ». Ces objectifs, M. Jean Baylot le rappelle, consis­tent dans « la transposition de l’art de bâtir le Temple à l’art de bâtir une vie humaine tenue, suivant le grand principe hermétique, pour répéter le Cosmos ». C’est, selon une expression de Guénon, « l’unification du microcosme avec le Macrocosme ».

— Cet article de M. Jean Baylot, exprimant des idées trop rarement formulées dans les « planches » maçonni­ques, n’a pas eu l’heur de plaire au directeur d’un organe rationaliste, militant de la libre-pensée, qui a envoyé aux Lettres Mensuelles une épître dont cette publication ne reproduit qu’une partie (n° 11, mars 1971). M. Baylot y répond plus brièvement encore. Quelques lignes suffisaient en effet pour rappeler que les questions initiatiques ne peu­vent être abordées que sur un terrain auquel n’ont pas accès les héritiers de Sébastien Faure et de Lorulot. Ces derniers, en revanche, ont parfaitement le droit de consi­dérer comme des « troglodytes attardés » ceux qui se re­fusent à prendre les « postulats du rationalisme » pour des axiomes.

Denys ROMAN

Jean Richer, Delphes, Délos et Cumes

Études Traditionnelles : Mai-juin-juillet-août 1973

Jean Richer, Delphes, Délos et Cumes (Juillard, éditeur, Paris).

    Dans son compte-rendu sur l’ouvrage de Xavier Guichard intitulé Eleusis-Alésia, Guénon (en 1938) relevait comme particulièrement digne d’intérêt le fait que les lieux repérés par l’auteur et appelés par lui lieux alésiens « étaient régulièrement disposés sur certaines lignes rayonnant autour d’un centre, et allant d’une extrémité à l’autre de l’Europe ». Nous ne pouvions nous empêcher de penser à l’ouvrage de Guichard en lisant le livre de M. Jean Richer, paru à la fin de 1970, et qui constitue la suite de sa monumentale Géographie sacrée du monde grec. Dans cette étude sur trois des principaux centres religieux du monde antique, il est en effet continuellement question de droites rayonnant autour de centres principaux ou subalternes. Certes, les découvertes de M. Richer ne soulèvent pas les quelques réserves que Guénon avait formulées à propos de celles de Guichard (notamment sur le rôle de « centre » attribué par ce dernier au mont Poupet). Mais Eleusis-Alésia reste tout de même la première tentative faite par un auteur contemporain pour restituer quelques éléments de cette « géographie sacrée » dont Guénon disait qu’elle est « parmi les antiques sciences traditionnelles, une de celles dont la reconstitution donnerait lieu actuellement aux plus grandes difficultés, et peut-être même, sur bien des points, à des difficultés tout-à-fait insurmontables » (Formes traditionnelles et cycles cosmiques, p.163).

    Dans Delphes, Délos et Cumes, l’auteur a raconté (pp. 14-15) les circonstances vraiment étranges qui furent à l’origine des découvertes qui l’amenèrent à écrire sa Géographie sacrée. Nous le citons : « Je m’étais posé une question précise : pourquoi le voyageur, arrivant d’Athènes à Delphes, trouve-t-il, à l’entrée du site sacré, un sanctuaire d’Athéna ? La réponse vint dans un songe d’un matin de printemps. Une statue d’Apollon… m’apparut, de dos, puis lentement elle pivota sur elle-même de 180 degrés, dans le sens des aiguilles d’une montre, jusqu’à me faire face. Dans les minutes qui suivirent, j’appliquais la méthode préconisée dans le Timée… Il suffisait d’une carte de Grèce, d’une règle et d’un compas pour interpréter ce songe. N’avais-je pas affaire à des dieux géomètres ? Encore à moitié endormi, je pris la première carte de Grèce qui me tomba sous la main. Je traçai la ligne Delphes-Athènes. Ô surprise ! … Prolongée, elle aboutissait à Délos [lieu de naissance d’Apollon], et naturellement je connaissais l’histoire des Vierges vénérées à Délos. La découverte était faite mais, pour en tirer les conséquences, il me fallut plusieurs années de réflexion et de recherches. C’est seulement deux ans plus tard, lorsque j’eus réuni des dizaines et des centaines de faits et d’observations concordants, que je commençai à le prendre au sérieux et à songer à l’exploiter… ».

    M. Richer a tiré bien des droites et tracé bien des cercles dans les années dont il parle. Mais le résultat est vraiment surprenant. Son livre n’est pas résumable, puisqu’il est basé sur des cartes et des reproductions de monuments figurés. Nous nous bornerons donc à signaler quelques points où l’auteur apporte une contribution très appréciable aux thèses traditionnelles. Mais on ne peut s’empêcher d’éprouver un regret. L’auteur donne parfois l’impression de s’adresser uniquement aux spécialistes des études helléniques. Quelques explications supplémentaires auraient pu rendre son ouvrage accessible à un bien plus grand nombre de lecteurs. Par exemple, il est probable que les Vierges vénérées à Délos étaient d’origine hyperboréenne ; et l’on eût aimé aussi avoir tous les renseignements possibles sur la « théorie », ce vaisseau sacré que les Athéniens, tous les quatre ans, envoyaient au mois de mai en grande pompe célébrer à Délos les jeux rituels.

    Parmi le grand nombre d’axes méridiens (Nord-Sud) et parallèles (Est-Ouest) qui sont étudiés dans l’ouvrage, plusieurs ont dû avoir une importance particulière. C’est ainsi que le méridien de Délos passe au Nord par le mont Haemus en Thrace (où Borée résidait dans une caverne) et au Sud par l’oasis d’Ammon, où se trouvait un oracle fameux qui proclama Alexandre fils de Zeus (c’est-à-dire « nouveau Dionysos » et fils du tonnerre) et qui marqua le limite occidentale des conquêtes macédoniennes. M. Richer regarde d’ailleurs cet axe mont Haemus-Délos-Ammon comme ayant un caractère solsticial, en relation avec l’ « arbre du monde ». Il reproduit un relief conservé au musée de Délos et représentant le serpent enroulé autour de l’omphalos et flanqué de deux arbres.

    Indépendamment de ce qui constitue le domaine propre de ses recherches, M. Richer apporte sur de nombreux points des « jugements » où se manifeste l’indépendance de son esprit et qui font parfois un heureux contraste avec certaines opinions un peu trop « conformistes ». Nous allons citer quelques passages remarquables.

« Nous vivons à une époque bien étrange, où il existe de graves commentateurs de Platon qui se moquent d’un auteur assez naïf pour avoir cru à la divination par les songes et qui le soupçonnent de cautèle ou de calcul politique parce que, dans le Timée et dans Phèdre, il a accordé sa caution morale aux oracles delphiques (p.13)… La mentalité moderne ne permet pas de comprendre [certains] phénomènes… Nous sommes toujours à chercher des trucs, des ficelles, et à supposer que les anciens étaient plus naïfs que nous. Ce qui se passait exactement dans le mantéion de Delphes, en quoi consistaient exactement les initiations de Samothrace et d’Eleusis, ce sont des questions dont nous n’aurons probablement jamais la réponse complète ».

    Ailleurs, M. Richer écrit : « La symbolique dont s’est servi Homère était à base d’astrologie, parce que les initiés de Delphes, d’Eleusis, de Samothrace, connaissaient ce langage et qu’en l’adoptant, l’aède était certain de n’être compris que d’une élite. En ces temps lointains, on savait que rien ne s’obtient sans peine et qu’il faut rompre l’os médullaire avant de pouvoir sucer la substantifique moelle ».

    L’auteur fait de nombreuses remarques sur les rites observés par les Grecs lors de la fondation de leurs « colonies » ; cela nous a rappelé ce qu’écrivait Guénon au sujet de la construction des villes anciennes. Les Grecs, avant de fonder une colonie, consultaient l’oracle de Delphes, et la réponse donnée (qui spécifiait le lieu où devait se faire la nouvelle fondation) était conservée avec le plus grand soin. M. Richer écrit : « A propos du rôle joué par l’oracle de Delphes dans la fondation des villes, M. P. Amandry a fait remarquer que le texte des anciens oracles soit apocryphe ne prouve rien contre l’authenticité d’une intervention de l’oracle. Pour notre part, nous dirions même qu’un oracle fabriqué a posteriori est presque plus probant qu’un oracle authentique, en ce qui concerne le rattachement symbolique à « Delphes ». Une telle remarque nous paraît très juste, et serait d’ailleurs susceptible de s’appliquer à bien d’autres domaines de la science sacrée, et tout d’abord à l’interprétation des textes scripturaires, dussent les tenants de la fameuse « méthode historique » se voiler la face d’horreur. C’est en somme la question des rapports de la « véracité » avec l’ « authenticité ».

    Citons encore d’autres remarques intéressantes : « Comme si l’idée de blancheur rayonnante, évoquant ce que devait être la pureté du candidat à l’initiation, était indissociable du début du cycle zodiacal, tous les lieux liés symboliquement au point vernal portent un nom où paraît le radical Leuké ». L’auteur illustre sa remarque par un nombre considérable de références, allant des Leukai (jeunes filles initiées d’Aptère en Crête, qui pratiquaient le plongeon rituel dans la mer) au rocher de Leucade (célèbre par la mort de Sapho) et à l’île Leuké à l’embouchure du Danube (où Achille fut transporté après sa mort pour y vivre d’une façon mystérieuse). Il mentionne même qu’ « au point de la côte d’Irlande situé à la latitude de l’île de Man (omphalos des Iles Britanniques) on trouve l’Ile d’Achille ». De telles concordances sont vraiment curieuses. L’enquête de M. Richer, on le voit, déborde très largement le cadre purement hellénique. « Tout se passe, dit-il, comme si l’astrologie avait constitué le commun dénominateur des religions antiques (ce qui s’explique si on songe qu’elle en représente l’élément extrahumain ou surhumain) et comme s’il y avait eu entre les clergés des diverses religions un accord tacite ou explicite quant à des tracés directeurs et à la constitution de la zone d’influence et de rayonnement de chaque grand centre religieux » (pp. 210-211).

    Nous pensons même que ces différents « clergés » avaient comme base d’accord non seulement l’astrologie, mais surtout la métaphysique. Voici un autre point d’intérêt : « L’origine de tout le système des centres traditionnels, écrit l’auteur, semble avoir été Babylone ; de là on est passé à Toushpa, capitale du royaume d’Ourartou sur la rive sud du lac de Van [état qui fut vers le 1er millénaire avant notre ère en lutte constante avec l’Assyrie]. Toushpa est située sur le méridien d’Assur et de Ninive, et sur le parallèle de Milid (capitale du royaume des Hittites, les Héthéens de la Bible), de Sardes et de Delphes. Le nom de la capitale hittite, Milid ou Milidia, voulait dire milieu ; c’est l’actuelle Malatya » (p. 211).

    M. Richer, à propos de l’importance de l’omphalos de Sardes (capitale de la Lydie), n’oublie pas de rappeler que, selon Hérodote et Tite-Live, les Etrusques (qui transmirent leur religion aux Romains) étaient d’origine lydienne. D’autre part, les Lydiens enseignèrent aux Grecs d’Asie mineure l’art de la frappe des monnaies et, très vraisemblablement, « la symbolique du décor de ces monnaies et les règles qui présidaient au choix des signes qui les ornaient ». Parlant à ce propos des oracles de Delphes consultés par le roi de Lydie Crésus et dont Hérodote nous a conservé les réponses (« Tu vas détruire un grand empire » et « Quand un mulet sera roi des Mèdes… », M. Richer remarque : « Cette démarche était en quelque sorte normale si on considère que l’oracle de Delphes était le légitime successeur d’un ancien oracle ayant son siège à Sardes où, rappelons-le, avait régné Omphale à l’époque d’Héraclès » (p. 213). Ici nous avons été surpris que l’auteur ne pousse pas plus loin l’examen des correspondances symboliques. En effet, Héraclès, « délivré » de son esclavage par Omphale, l’épousa ; et l’on rapporte qu’ayant revêtu la robe de la reine, il filait la laine à ses pieds, tandis qu’Omphale, couverte de la peau du lion de Némée, brandissait la massue du héros. Nous avons là un exemple particulièrement parlant d’ « échange hiérogamique » : l’accès à l’omphalos (c’est-à-dire au centre) implique immédiatement la « résolution des oppositions » symbolisée ici par le mariage sacré, comme elle peut l’être ailleurs par le Rébis hermétique. Il faut noter aussi que la quenouille (tenue de la main gauche) et la massue (tenue de la main droite) sont l’une et l’autre des symboles axiaux qui jouent, vis-à-vis du couple Héraclès-Omphale, le même rôle que les deux arbres qui flanquent l’omphalos délien et que les croix des deux larrons de part et d’autre de la croix du Christ.

Mais on n’en finirait pas à relever tous les détails qui aiguisent l’intérêt de tout lecteur un peu familier avec la science du symbolisme. Nous lisons par exemple : « Les Grecs semblent avoir considéré (et en cela aussi les Romains les imitèrent) que l’occupation d’un pays impliquait d’abord la prise de possession des points remarquables où les lignes zodiacales coupaient les côtes ».  Il est d’ailleurs probable de beaucoup d’autres peuples (peut-être tous les peuples anciens) agissaient de même ; et cette façon d’agir s’est parfois poursuivie jusqu’en plein moyen âge. Guénon, après Coomaraswamy, a parlé d’un ancien texte islandais exposant les règles de la « prise de possession de la terre ». M. Richer expose très heureusement « le sens mystique profond » de telles façons d’agir, qui constituent une « immense œuvre collective, poursuivie durant deux millénaires par des peuples théocratiquement gouvernés : il s’agissait de diviniser la surface de la terre occupée par les hommes, de la rendre semblable au ciel, d’en faire en somme un immense mandala (p. 213).

    Çà et là dans son ouvrage, l’auteur fait allusion à « la persistance à travers les siècles de la religion préhistorique » [Il serait peut-être plus exact de dire : de la Tradition primordiale]. Il explique, par des arguments qui nous semblent convaincants, l’emplacement des alignements de Carnac et le nom du golfe du Lion ; il pense que Glastonbury et Stonehenge correspondent à l’enceinte et au temple des Hyperboréens dont Diodore de Sicile nous a laissé la description. Mais on pourrait se demander si les thèses de l’auteur s’appliquent aussi en dehors du monde « polythéiste », et si Jérusalem, ce centre commun aux trois « aspects » de la tradition monothéiste, est elle aussi en rapport linéaire avec les centres religieux de la « Gentilité ». En prolongeant l’axe qui joint Jérusalem à Delphes, on arrive à Mediolanum (Saint-Benoît-sur-Loire), qui était l’omphalos des Gaules. Ainsi donc, les centres spirituels des trois grandes traditions (celtique, hellénique et judéo-chrétienne) qui sont à l’origine de la civilisation occidentale traditionnelle se trouvent sur le même axe. Une telle constatation revêt évidemment une grande importance.

    M. Richer, parmi les nombreuses conclusions que ses découvertes l’ont amené à tirer, remarque : « On est obligé de conclure que, même si les anciens ne possédaient pas de bonnes cartes, ils avaient une idée précise et exacte de la configuration des côtes et des positions respectives des caps et des îles ». Guénon (op. cit., p.160) allait beaucoup plus loin et il pensait que les Anciens « devaient connaître avec précision les véritables dimensions de la sphère terrestre ». Il mentionnait que, pour Xavier Guichard, « les connaissances possédées par les géographes de l’antiquité classique, tels que Strabon et Ptolémée, loin d’être le résultat de leurs propres découvertes, ne représentaient que les restes d’une science beaucoup plus ancienne, voire même préhistorique dont la plus grande partie était alors perdue ».

    Guichard avait aussi insisté sur les « jalons de distance » qu’on peut repérer sur les « itinéraires alésiens », où ils sont disposés à des intervalles fixes dont la mesure est en rapport avec le stade grec, le mille romain et la lieue gauloise (cf. Guénon, op. cit., p. 160). C’est là une question des plus importantes. En effet, cette régularité dans les distances, qui exprime une sorte de rythme spatial, devrait jouer dans la géographie sacrée absolument le même rôle que les rythmes temporels, exprimés par la doctrine des cycles, jouent dans l’histoire traditionnelle. La géographie sacrée, basée (comme l’astrologie et l’alchimie) sur le symbolisme, doit être comme celui-ci une « science exacte ». Il serait bien utile que des recherches suivies soient effectuées sur un tel sujet. Les recherches que Guichard avait poursuivies durant toute son existence « dans la joie, dit-il, de découvertes inattendues » ne pourraient-elles pas être confrontées avec le grand nombre de faits établis par M. Richer ? Ce dernier écrit en conclusion de son ouvrage : « Du jour où les spécialistes prendront la peine de nous lire, on verra les exemples se multiplier, et bien des textes obscurs, bien des récits légendaires deviendront relativement clairs ».

    Certains des « jalons de distance » repérés par Guichard portent encore aujourd’hui des noms tels que Millières, Myon, etc., qui évoquent l’idée de « milieu ». Il en est de même pour la Milid des Hittites et la Mediolanum des Gaulois. D’autre part, Tolède, que M. Richer rencontre sur l’un des axes principaux, fait penser à Thulé ; et ne pourrait-on pas aussi rapprocher de ce dernier mot ceux de Délos et de Delphes ? Thulé et Délos sont l’une et l’autre des « centres » et des « terres de stabilité », avec cette différence que Délos, centre d’une tradition « dérivée », fut d’abord une île errante avant d’être « stabilisée » au centre des Cyclades. Pour le dire en passant, le symbolisme de Latone qui, sur le point d’accoucher, est poursuivie par le serpent Python et doit se réfugier sur Délos où elle met au monde Diane (la lune) et Apollon (le soleil) est bien proche de celui de la Femme de l’Apocalypse « vêtue du soleil » et dressée sur la lune, qui « crie dans les douleurs de l’enfantement », met au monde un enfant mâle et, poursuivie par le « Dragon roux », doit se réfugier au désert. Dans les deux cas, il s’agit de la manifestation « dans la douleur » d’une nouvelle tradition, particulière dans le mythe grec, universelle dans le symbolisme apocalyptique. Et si l’on objectait que saint-Bernard assimile formellement la Mulier amicta sole à la Vierge Marie, il serait facile de répondre que cela ne fait que confirmer l’interprétation donnée plus haut : il est bien connu en effet que, dans la liturgie catholique, Marie est constamment identifiée avec la Sagesse éternelle.

    M. Richer annonce quatre livres en préparation, traitant de la décoration des vases grecs, de la symbolique des monuments funéraires, de l’histoire du calendrier et de la géographie sacrée du monde romain. Il se félicite que ses découvertes aient déjà attiré l’attention de nombreux chercheurs et peut-être éveillé certaines vocations. Voilà une excellente nouvelle. Car si M. Richer fait école, non seulement il nous aura révélé une Grèce plus profonde et surtout beaucoup plus « authentique » que celle qui fit l’enchantement des humanistes de la Renaissance, mais encore il aura jeté les fondements nécessaires à la « résurgence » de cette science traditionnelle « perdue » : la géographie sacrée, dont Xavier Guichard avait entrevu l’existence, mais sans oser l’appeler par son nom. Une telle résurgence ne serait-elle pas un « signe des temps », heureux et « faste » celui-là, à côté de tant de signes néfastes ? Il est dit qu’à la fin du cycle, tout ce qui avait été perdu sera retrouvé. Nous souhaitons que les « dieux géomètres » continuent à guider les recherches de M. Richer.

Denys ROMAN

 

Magister. Manual del Aprendiz.

Magister. Manual del Aprendiz (Editorial Kier, Buenos Aires).
[Compte rendu publié dans les E. T. Nº 307, avril-mai 1953, pp. 147-148]

Il est assez curieux de voir les pays de langues latines qui s’étaient laissés considérablement distancer par les pays de langues anglaise et allemande dans le domaine des études maçonniques sérieuses, tenter de rattraper leur retard. Après l’œuvre maçonnique en langue française de René Guénon, qui a jeté tant de lumière sur de nombreux aspects de l’art royal, après l’œuvre italienne d’Arturo Reghini, limitée d’ailleurs au seul symbolisme géométrique et numéral, voici que viennent de paraître en langue espagnole 4 « manuels » dont le premier est consacré au grade d’Apprenti. Continuer la lecture

E. T. nº 296, décembre 1951, pp. 388-398

Le Symbolisme de janvier 1950

– Le nº de janvier 1950 du Symbolisme débute par un article de « La Lettre G » sur l’ouvrage posthume d’Albert Lantoine : Finis Latomorum. « La Lettre G » approuve les critiques qu’Albert Lantoine a portées contre ce qu’il considérait comme les tares de la Maçonnerie latine de son temps : c’est-à-dire le prosélytisme en matière de recrutement et les préoccupations politiques de trop d’ateliers ; « La Lettre G », par contre, regrette justement l’incompréhension de Lantoine pour tout ce qui touche au symbolisme et au ritualisme de l’Ordre. Continuer la lecture