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Sur une « correspondance inédite » de René Guénon à Marcel Maugy : imposture et mystification, « trois petits tours et puis s’en vont ».

Décembre 2017

 En 2017, un nouvel « inédit » attribué à René Guénon a fait une entrée et une sortie sensationnelles : surgi au milieu des colonnes d’une célèbre revue maçonnique sous la bannière « Documents historiques inédits », il s’intitule « Correspondance inédite de René Guénon à Marcel Maugy, alias Denis Roman » ; divisé en parties publiées à la manière d’un feuilleton trimestriel, il couvre trois épisodes et une quarantaine de pages assorties d’illustrations et de notes de la Rédaction ; après quoi la série s’arrête tout net sur un avis d’obsèques inspiré. Sa diffusion a pour vecteurs les « Cahiers Villard de Honnecourt » numéros 101, 102, 103.

Au premier regard, il est aisé de constater que ce prétendu « inédit » offre une évidente parenté avec les diverses versions qui circulent depuis les années 1990 sous l’appellation frauduleuse, abusive et trompeuse de « Correspondance de René Guénon à Marcel Maugy, alias Denis (ou Denys) Roman », dont nous avions précédemment parlé dans nos articles repris ici-même et intitulés René Guénon livré à la multitude (I) : témoignage et mises en garde , (II) : jusqu’où ira-t-on ? , et «  René GUÉNON – Lettere a Denys Roman » : Une grossière supercherie. Comme tous les autres « rejetons » issus du détournement d’origine – assimilable à un vol –, et qui ont depuis lors envahi le « marché », ledit « document historique inédit » s’inscrit dans la même « généalogie », non seulement frauduleuse mais viciée dès le départ.

De surcroît, telle la pierre d’exception qui couronne l’édifice, cette version se distingue éminemment de ses « aînées » non seulement du fait du prestige que lui confère le cadre de son apparition, mais aussi en raison de ses caractéristiques propres, qui en font, en effet et par excellence si l’on peut dire, un document aussi « historique » qu’« inédit » dans son genre :

       – Paragraphes, phrases ou mots permutés, tronqués, omis, rajoutés ou inventés ;

      – Syntaxe et ponctuation déconstruites ;

      – Caractéristiques maçonniques supprimées ;

      – La  G.̇ .T.̇ . (Loge la Grande Triade) devenue « la Grande Tradition » ou « la Grande Tenue » ;

      – Les 3 G.̇ .L. ̇ . (Grandes Lumières) devenues « trois Grands Livres » ;

      – Loges opératives devenues « loges spéculatives » ;

      – Le sens des circumambulations rituelles vidé de toute orientation ;

       – J. B.

       – Les « E. T. » (revue « Études Traditionnelles ») devenues « Éditions Traditionnelles » ;

        – Le prof. del Guercio affublé du sobriquet de « le prof » ;

        -le mot « cadavre » débarrassé de ses guillemets, d’où le lecteur non informé peut inférer que R. Guénon et M. Maugy étaient en train de parfaire les derniers apprêts d’un vrai cadavre au sein d’une organisation criminelle…

Raffinement suprême : en clôture de chacune des trois livraisons, pareilles extravagances sont dûment certifiées par l’apposition d’un « sceau d’authenticité » : le fac-similé d’une signature autographe René Guénon.

Quoi qu’il en soit de l’énormité de ces attributions mensongères caractérisées et falsifications supplémentaires qui corrompent, de façon outrageusement dénaturante sinon ridiculement grotesque la lettre aussi bien que l’esprit et les intentions qui avaient présidé à l’échange véritable entre l’expéditeur et le destinataire de la correspondance privée authentique, il n’en demeure pas moins qu’elles sont toujours susceptibles d’amener en particulier les nouveaux lecteurs, non seulement à des interprétations ponctuelles erronées, mais à des inférences fallacieuses, sinon calomnieuses vis-à-vis de René Guénon, de son correspondant et de leurs travaux rituéliques, comme vis-à-vis de l’organisation initiatique dont ils furent membres.

Les promoteurs et éditeurs de semblable document sont pourtant des Maçons, dont certains éminents, et des Maçons censés d’abord savoir lire ce qu’ils publient, outre qu’être instruits en matière d’Art Royal, comme en ce qui touche aux deux correspondants et à leurs œuvres.

Au bout de la troisième livraison de pareilles atteintes à l’intégrité des lettres missives originales et au respect dû à l’auteur comme à son correspondant, le lecteur découvre soudainement, sous le troisième « sceau » d’une signature autographe de René Guénon, un petit paragraphe de la Rédaction sur la nature de la chose publiée et recélée dans un fonds dit « Fonds René Guénon », ainsi que sur l’« esprit » qui a présidé à sa publication : il s’agit, nous dit-on, d’un « trésor » gisant dans ledit fonds sous forme de « copie simplement ronéotée », « oubliée et retrouvée par hasard », et qui  contient « ces dernières remarques du Maître du Caire sur la Franc-Maçonnerie traditionnelle » ; un « trésor » qu’il était « nécessaire », « urgent » et « judicieux » de faire connaître malgré « son imperfection »[1].

Ainsi vénéré comme une précieuse relique consacrée par de hautes instances et personnalités maçonniques, ledit « trésor » se  voit dès lors occuper un rang des plus éminents dans l’échelle de gravité des impostures et mystifications jusqu’ici couramment livrées au « grand public » profane ou maçon.

À la fin de sa brève intervention, la Rédaction assure et espère ardemment tout ensemble que « dans son imperfection cette première divulgation inspirera, c’est notre espoir le plus cher, dit-elle, les éditions critiques futures, les réflexions des initiés et la méditation de tous ceux à qui la Tradition secrète sert d’Orient »[2]. Dans cet envol final, la Rédaction nous semble opérer un tour admirable, tant elle contourne avec courage, art, science et opportunité, la difficulté de s’être fait « des ailes pour un vol fou »[3] à partir de « rames » ronéotées, et truquées. C’est sur ce changement de cap que la publication s’interrompt, nulle trace dudit « document historique inédit » n’apparaissant plus jusqu’à présent dans les numéros suivants de la revue en question.

Ce qui est, hélas, plus à craindre qu’à espérer en l’occurrence, c’est que, « dans son imperfection » où vrai et faux se confondent, la matière de ce document ne soit pas tout à fait adéquate à servir les vœux formulés, étant plus propre à égarer qu’à éclairer même les « initiés », parmi lesquels ceux qui s’en sont ainsi laissé abuser. Il est tout aussi regrettable qu’il ne soit pas venu à l’idée des promoteurs d’émettre le moindre mot qui reconnaisse avec simplicité les atteintes et préjudices portés non seulement à celui qui est appelé le « Maître du Caire », mais aussi aux lecteurs trompés de la sorte, et que l’on aura négligé de mettre en garde contre les fâcheuses conséquences évoquées plus haut.

Quant à « appareiller » René Guénon, sa vie, ses livres et sa correspondance, d’ « éditions critiques futures » comme si sa fonction et son message ne se suffisaient pas à eux-mêmes et en eux-mêmes, peut-être serait-il instructif, à ce propos comme à d’autres, de se reporter aux nombreuses pages que l’auteur à consacrées à remettre en particulier les « études critiques » à leur juste place, notamment dans son avant-propos à l’Introduction générale aux doctrines hindoues. En fait, ces méthodes en vogue croissante aujourd’hui, n’aboutissent qu’à un seul et même résultat : ensevelir toujours davantage cette œuvre sous des tombereaux de digressions satellites parasitaires plus propres à détourner de sa finalité véritable qu’à aider à s’y concentrer ; aussi, quels que soient les beaux prétextes invoqués pour légitimer ce type de « vaste entreprise éditoriale » dont nous parlions dans l’un de nos précédents articles, ces procédés ne représentent, en réalité, qu’un des plus sûrs moyens de répudier René Guénon à sa tombe et son œuvre à la marge sinon à la trappe.

Entre autres « inédits » à venir, se profile le mirifique et prometteur recours massif aux fac-similés, trafiqués ou non, sinon parfaitement gratuits, présumés authentifier n’importe quoi n’importe où, en vue d’on ne sait quoi : nous venons d’en voir un exemple significatif avec l’utilisation de celui d’une signature autographe de René Guénon au bas de pages qu’il n’aurait assurément pas hésité à signer d’enthousiasme ! À cela s’ajoute l’actuelle prolifération des « méga-octets » du « commerce électronique », comme autant de facilités offertes par un « marché » en plein essor, dont tout un chacun se fait l’usager mais aussi le serviteur, souvent aveugles. Dès lors, c’est le tohu-bohu du n’importe quoi, chacun y allant de sa convenance individuelle, jusqu’à s’octroyer d’office toute liberté et licence de substituer aux règles en vigueur les siennes propres, quand ce n’est pas pour arguer de celles présumées avoir acquis « force de loi démocratique » en vertu de la diffusion massive de publications sauvages, illicites, incontrôlées et erronées.

En tout cela, que trouve-t-on qui n’ illustre à profusion ce que René Guénon dénonçait dans Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, Orient et Occident, La Crise de Monde moderne et autres ouvrages ? Rien.

Devant certains agissements, René Guénon en était venu à envisager d’être «  obligé d’agir par les moyens légaux, à regret d’ailleurs, car nous voulons croire que nous avons affaire à une irresponsable  »[4]. Rien n’a changé depuis lors, sinon en pire. C’est pourquoi nous nous permettrons de rappeler incidemment qu’il existe, en effet, toutefois encore aujourd’hui, des lois en la matière, fussent-elles allègrement passées par-dessus la jambe et rayées de la carte par des milieux qui se croient tout permis.

Comme chacun peut aisément s’en informer, ces lois régissent tout ce qui touche à la vie privée, aux droits d’auteur, de même que tout ce qui relève du secret qui couvre les correspondances privées, et, à ce titre, l’auteur des lettres missives originales, comme son correspondant et les personnes éventuellement mentionnées. À quoi s’ajoute que le simple fait de copier ou de reproduire, par quelque moyen que ce soit, un original, est appelé « contrefaçon », et que toute contrefaçon est un délit. Ainsi en est-il par là même des fac-similés dont on nous exhibe des spécimens, suivant une mode qui ne va pas tarder à devenir superstition, à l’instar de la « superstition du document écrit » dont  parlait René Guénon.

S’agissant des lettres de René Guénon à Marcel Maugy, nous rappellerons également que, depuis les exactions qui sont à l’origine de leurs versions corrompues jusqu’aux modifications toujours plus dénaturantes, sinon grotesques comme on vient de le voir, des contenus des lettres missives originales, ce sont d’abord les droits de René Guénon qui ont été bafoués, à commencer par le droit moral attaché à sa personne, à son nom, à ses qualités et fonction traditionnelle, et qui est un droit perpétuel, inaliénable et imprescriptible, dont fait partie le droit au respect de l’intégrité de ses écrits, tout aussi fondamental en terme de paternité.

 Et nous rappellerons encore, comme nous l’avons déjà fait dans nos précédents articles à l’attention des nouveaux lecteurs, mais aussi de ceux qui font mine de ne pas s’en être aperçus, qu’outre les développements donnés par René Guénon tout au long de son œuvre, la « substantifique moelle » de sa correspondance avec Marcel Maugy a également été publiquement donnée en partage aux lecteurs par le destinataire lui-même sous son pseudonyme, Denys Roman, à travers ses propres écrits, dont nous avons d’ailleurs récemment repris ici-même l’un des articles les plus significatifs sur les QUESTIONS DE RITUELS qui constituent le cœur de l’échange épistolaire entre les deux auteurs.

 Pour conclure, nous ne saurions faire mieux qu’inciter les lecteurs dont les aspirations pourraient être détournées par le genre d’entreprise dont nous venons d’avoir un exemple de plus, à s’en remettre exclusivement aux écrits de René Guénon publiés avec son consentement, de même, et peut-être surtout, qu’à ne s’en remettre qu’aux intentions et buts qu’il a expressément déclarés lui-même notamment dans ses avant-propos.

 Timeo Danaos et dona ferentes.

 

André Bachelet

Saint Jean d’hiver 2017, E.̇ . V.̇ .

[1] « Cahiers Villard de Honnecourt », N° 103, p. 89.

[2] Ibid.

[3] Dante, La Divine Comédie, Inferno, XXVI, 8e cercle, 8e bolgia, vers 125 : « De rames nous nous fîmes des ailes pour un vol fou ». Ce vers a été repris par Denys Roman dans son livre René Guénon et les Destins de la Franc-Maçonnerienoia) une des « marques » de la vision exclusivement profane des choses ».

[4] Articles et comptes rendus, tome 1, Éditions Traditionnelles 2002, p. 189 ; souligné par nous.

UNE GROSSIÈRE SUPERCHERIE

Octobre 2017

Le détournement illicite et illégitime de la correspondance privée de René Guénon à Marcel Maugy / Denys Roman fait actuellement l’objet d’une publication qui surpasse éminemment en extravagantes altérations frauduleuses de la vérité les versions que nous avons précédemment dénoncées dans nos deux articles spécialement repris ici-même sous les titres de « René Guénon livré à la multitude (I) : témoignage et mises en garde  » et « René Guénon livré à la multitude (II) : jusqu’où ira-t-on ?  » .

Avant de dire publiquement quelques mots (dont nous avons d’abord loyalement informé les protagonistes) de la publication de ce nouveau « document », en effet aussi « historique » qu’ « inédit », considéré comme « un des trésors » du « Fonds René Guénon » d’une prestigieuse bibliothèque maçonnique française, nous terminerons notre aperçu des fraudes et manipulations mensongères qui ont précédemment frappé l’échange véritable entre l’expéditeur et le destinataire de la correspondance privée authentique, en proposant à nos lecteurs de prendre ci-dessous connaissance d’un exemple que nous avons dénoncé en 2009 dans l’ancienne revue maçonnique franco-italiennne « La Lettre G / La lettera G » N° 11, sous le titre de « René GUÉNON – Lettere a Denys Roman : Une grossière supercherie ».

André Bachelet


«  René GUÉNON – Lettere a Denys Roman » :
Une grossière supercherie

(Paru dans « La Lettre G / La lettera G » N° 11, Équinoxe d’automne 2009)

 

Une officine « éditoriale » portant une série d’appellations à consonances arabes et sans domiciliation a récemment publié en Italie, à en-tête de René Guénon, une traduction de « Lettere massoniche a Denys Roman » sous forme de deux fascicules de 77 pages chacun, tenues par des agrafes.

Une quarantaine de ces pages est occupée par des notes dont les trois quarts reprennent, traduits en italien, des passages entiers du « Document confidentiel inédit » de Jean Reyor (Marcel Clavelle), ainsi que de nombreux extraits de « lettere » de René Guénon à divers correspondants ; tous ces passages et extraits renvoient au même type d’ « edizioni », apparemment spécialisées dans ce genre de « collections ». Les notes restantes sont faites d’éléments pour la plupart livresques sur lesquels nous allons revenir pour en expliciter le contenu aux allures savantes mais souvent « simpliste » et non dénué d’hypothèses hasardeuses voire d’affirmations erronées, le tout recouvert par l’anonymat de leurs « auteurs ».

Il est clair qu’avec ces deux fascicules nous avons encore une fois affaire à une « édition » clandestine, en l’occurrence basée sur un prétendu « original français » qui, en réalité, n’est autre que l’aboutissement de plus en plus dénaturé d’un long cheminement, toujours plus éloigné des lettres missives autographes de René Guénon en notre possession à la suite de Denys Roman.

Cette nouvelle publication faite sans droits ni autorisations ni contrôle d’aucune sorte et erronée en de très nombreux points, outre qu’elle bafoue la volonté expresse de René Guénon1 comme de Denys Roman, contribue de surcroît à propager dans le domaine public des écrits réservés à double titre : celui de la correspondance privée et celui spécifiquement maçonnique de caractère rituélique.

Compte tenu de la gravité des conséquences qui ne peuvent qu’en découler à divers points de vue dont celui qui fonde précisément la présente revue et que nous partageons, il nous paraît nécessaire de dénoncer encore une fois ce genre d’entreprises, et d’alerter notamment ceux que cette « documentation » pourrait tromper et qui n’auraient pas connaissance de ce que nous avons déjà précisé lorsque les circonstances l’ont exigé2.

En bref, ces fascicules représentent le point d’arrivée en Italie d’une diffusion effectuée d’abord en France « sous le manteau » en 1990 (avec d’autres correspondances de René Guénon), puis tombée dans le domaine public en 2002 via internet d’où nous l’avons fait retirer, et ayant même servi de « base documentaire » et de « référence » à certaines publications françaises « officielles »3.

Précisons qu’à l’origine un individu connu de certains milieux « traditionnels » français, trahissant la confiance que Denys Roman lui avait un temps accordée, communiqua, sans autorisation aucune, des copies de cette correspondance dans des « cercles » à prétention guénonienne, qualifiés de « très restreints » sous le « titre distinctif » F. S. ; c’est donc à partir d’un détournement, que la législation française considère comme un vol, que fut confectionnée par eux une « édition » dactylographiée, dont la comparaison avec les lettres missives autographes originales est accablante : ladite dactylographie est en effet grevée d’erreurs et d’incohérences, de fautes parfois grotesques, de mots et de phrases que René Guénon n’a jamais écrits, de passages voire de pages entières manquantes, de mélanges de dates et de contenus, etc., toutes choses indignes qui se retrouvent dans les diffusions successives, avec des tares supplémentaires s’ajoutant aux précédentes à chaque étape de reproduction dont internet et maintenant ces deux fascicules.

L’examen démontre que la présente version italienne résulte de la « phase » internet et rajoute aux modifications et erreurs antérieures les siennes propres.

En outre et comme indiqué précédemment, les auteurs ont cru bon de compléter cette traduction – souvent approximative sinon inappropriée – de commentaires qui se présentent sous la forme d’un « corpus » conséquent de notes. Ce procédé correspond à une tendance « historiciste » dans laquelle l’appareil documentaire et une apparence d’« érudition » prennent l’avantage sur l’intériorité doctrinale, sans doute et entre autres parce que, dans l’idée des « auteurs », la compréhension des faits évoqués par Guénon dans ces lettres nécessite quelques compléments pour le lecteur italien qui en ignore les ressorts cachés, comme il semblerait que ce soit aussi le cas des auteurs eux-mêmes.4

Pour en terminer, nous voudrions mettre l’accent sur un point fondamental qui peut ne pas apparaître dès l’abord à la lecture des notes, dont il n’est pas certain d’ailleurs qu’elles soient de provenance maçonnique comme on pourrait logiquement s’y attendre : quoi qu’il en soit, certaines lacunes y sont en effet incompréhensibles face à ce qui ressort du moindre fragment de cette correspondance, et finissent de jeter la suspicion la plus complète sur cette publication.

Que résulte-t-il en effet là-dedans de l’échange entre R. Guénon et D. Roman, composé pour l’essentiel de considérations sur l’Ordre maçonnique et la mise au point d’un rituel – fondement irremplaçable du « travail » du Maçon ? échange qui devait se révéler riche de promesses pour l’œuvre de Denys Roman dont il constituait la base sur laquelle il travailla en vue de l’adoption de ce rituel par la Loge « La Grande Triade » créée en 1947 à Paris dans le cadre de la Grande Loge de France.

Aussi l’importance de cette correspondance ne réside-t-elle pas dans une accumulation de faits impliquant nombre de personnes de l’entourage plus ou moins proche de Guénon, comme on pourrait le penser à la lecture desdites notes, mais bien dans son apport rituel et symbolique.

Et c’est de cela que Denys Roman devait tirer le plus grand parti dans son œuvre, la « substantifique moelle » de cette correspondance ayant ainsi été transmise par ses propres soins à ceux auxquels il s’adressait, et selon des modalités appropriées à la nature des sujets traités, modalités qui revêtaient à ses yeux une grande importance.

On retiendra par exemple son thème central relatif aux dépôts symboliques dont la Maçonnerie a hérité au cours des âges et qui font d’elle, selon l’heureuse expression de l’auteur, l’ « Arche vivante des Symboles » ; dans cette perspective il aborde certaines particularités de l’Arche Royale et de son mot sacré (ce qui incitera R. Guénon à traiter ce sujet), la constitution du rituel en tant que doctrine et méthode, l’importance des « légendes » maçonniques véhiculées par les Old Charges pour la compréhension des diverses filiations qui constituent l’histoire traditionnelle de l’Ordre, etc…

Ainsi, ce qui aurait dû faire l’objet d’une attention toute particulière a été négligé au bénéfice de préoccupations contingentes et de la mise en avant du « Document confidentiel inédit » de J. Reyor : étonnante et dérisoire substitution qui ne peut tromper que ceux qui n’ont qu’une connaissance superficielle des sujets. Mais que pouvait-on espérer d’une entreprise à ce point étrangère à tout esprit traditionnel ? cet esprit qui devrait être le garant de toute initiative se rapportant en particulier à René Guénon et ses écrits. Corruptio optimi pessima.

A. Bachelet



 

  1. Cf. nos articles  « René Guénon livré à la multitude (I) : Témoignage et mises garde », diffusé depuis juin 2003 sur le site  HYPERLINK “http://www.zen-it.com/” www.zen-it.com ; et ibid. (II) : « Jusqu’où ira-t-on ? », paru dans la revue Vers la Tradition n° 94 de décembre 2003/janvier-février 2004.
  2.   Voir en particulier l’ouvrage publié chez Dervy en 2003 par l’Institut maçonnique de France : Les plus belles pages de la Franc-Maçonnerie française, où un certain Jean-Pierre Deschamps, c’est-à-dire M. Jean-Pierre Laurant (selon MM. J.-P. Brach et J. Rousse-Lacordaire in Études d’histoire de l’ésotérisme, éditions du Cerf 2007, p. 443), « spécialiste » français de R. Guénon, présente dans les pages 171 à 175 une « lettre de René Guénon (extrait ) » aux contenus faussement datés, passages sautés qui rendent le propos incompréhensible, mots erronés et faisant dire à R. Guénon exactement le contraire de ce qu’il a écrit ! au point que nous dûmes intervenir auprès des divers responsables. Voir également, sous les mêmes « auspices » rédactionnelles, la revue Politica Hermetica , n° 16 – 2002 : « René Guénon, lectures et enjeux », éditée par L’Âge d’Homme, où M. Xavier Accart donne trois références à des lettres issues de cette même « source ». Beaux exemples de « rigueur scientifique », maçonnique et « guénonienne »…
  3. La connaissance livresque que les auteurs ont du milieu « traditionnel » français de cette époque les a amenés à commettre des erreurs factuelles ou d’appréciation avec des conséquences diversement préjudiciables : ainsi de l’attribution erronée de certains patronymes, dont celui d’une personne (bien connue en Italie pour avoir été toujours fidèle à R. Guénon) qui se voit impliquée dans une initiative officielle de caractère maçonnique qui ne la concernait pas.

René Guénon livré à la multitude ( II )

Article publié dans la revue “Vers la tradition” N° 94 – Décembre 2003 – Janvier-Février 2004, et faisant suite à celui publié en 2003 : http://denysroman.fr/rene-guenon-livre-a-multitude-i/, précédemment repris dans ces pages.

 

MISE AU POINT

René Guénon livré à la multitude (II) :

jusqu’où ira-t-on ?

Les événements liés au cinquantenaire de la mort de René Guénon se précipitent depuis ces derniers mois, comme si l’ « enjeu » consistait aujourd’hui à livrer d’urgence au public les dernières « découvertes » qui touchent de près ou de loin à cet auteur, y compris dans des domaines jusque-là considérés comme réservés. L’œuvre de René Guénon, ayant sans doute épuisé les ressources d’exégètes satisfaits d’en avoir fait le tour, n’est plus envisagée en elle-même, c’est-à-dire telle que son auteur l’a exposée et publiée, suivant la méthode qui était la sienne et les intentions qui y présidaient. Ce qui intéresse les « chercheurs », ce sont de nouveaux écrits, si possible inédits, dont l’origine n’est ni toujours avouable ni toujours avouée, pour faire la « une » de ces éditions spéciales que l’on n’hésite plus à agrémenter d’informations relatives à sa vie privée, voire de copies de papiers « personnels ». Ainsi, et comme pour échapper à l’œuvre écrite dans tout ce qu’elle véhicule d’« intérieur », voilà que l’on bifurque sur des « pistes » toujours plus « extérieures », et cela au point d’en perdre, après un certain « sens des proportions », celui du simple respect. Continuer la lecture

René Guénon livré à la multitude ( I )

Juillet 2017

« René Guénon livré à la multitude » est un article que nous avons publié en deux parties1voici 14 ans afin de dénoncer les atteintes portées à la correspondance privée de René Guénon et à son auteur depuis les premières diffusions clandestines des années 1990.

 Depuis les exactions qui sont à l’origine de ces diffusions jusqu’aux modifications toujours plus dénaturantes des contenus de cette correspondance, ce sont d’abord les droits de René Guénon qui ont été bafoués sans vergogne, à commencer par le droit moral attaché à sa personne, à son nom, à ses qualités et fonction traditionnelle, et qui est un droit perpétuel, inaliénable et imprescriptible, dont fait partie le droit au respect de l’intégrité de ses écrits, tout aussi fondamental en terme de paternité.

 Du fait que nous en arrivons aujourd’hui à des versions toujours plus corrompues, dont certaines jusqu’au grotesque, nous reprenons dans ces pages notre article de 2003, qui en retrace le parcours et en dénonçait déjà les conséquences.

 Précisons que, depuis lors, le site évoqué dans cet article a changé d’adresse internet et de configuration générale ; et que, par suite de nos interventions, ses administrateurs y ont notamment supprimé la correspondance présentée comme « de René Guénon à Denys Roman ».

André Bachelet

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René Guénon livré à la multitude (I) : 

témoignage et mises en garde.

 (Article paru le 10 juin 2003 dans l’ancien site maçonnique italien : « zen-it.com/studitradizionali »)

 

 Dans les numéros 88 et 90 de la revue « Vers la Tradition », nous avons évoqué les difficultés que soulève la divulgation de la correspondance privée de René Guénon en général, et dénoncé l’utilisation abusive qui en est faite à des fins intéressées, prosélytes ou autres, cela au mépris de toutes autres considérations, y compris de droit.

Auparavant, dans notre présentation de l’ouvrage posthume de Denys Roman, nom d’auteur de Marcel Maugy : Réflexions d’un chrétien sur la Franc-Maçonnerie – « L’Arche vivante des Symboles », nous avions évoqué le cas particulier de la correspondance à lui adressée par René Guénon. Nous y indiquions les raisons pour lesquelles la mise dans le domaine public de ces lettres n’est pas autorisée, leur destinataire et seul possesseur légitime, Marcel Maugy, s’y étant toujours refusé malgré les nombreuses sollicitations qui lui avaient été faites de divers côtés, affirmant que leur propre auteur, René Guénon, ne l’aurait pas souhaité.

À propos de cette correspondance, est-il nécessaire de souligner que Denys Roman s’est toujours efforcé d’en faire bénéficier dans toute la mesure du possible ses lecteurs et ses Frères Maçons en particulier, à travers les divers travaux qu’il réalisa sous forme d’articles, de textes, de comptes rendus ou de livres. La « substantifique moelle » de cette correspondance a donc été transmise par ses propres soins à ceux auxquels il s’adressait, et selon des modalités appropriées à la nature des sujets traités, modalités qui revêtaient à ses yeux une grande importance et qu’il était certainement plus qualifié que tout autre pour apprécier. C’est ainsi que toute son œuvre représente finalement et en quelque sorte une participation active à l’intérêt soutenu que René Guénon manifesta jusqu’à ses derniers jours pour cette organisation initiatique qu’est la Maçonnerie.

Aujourd’hui, devant le véritable déferlement qui s’abat sur René Guénon, sa vie, son œuvre, ses lettres, ses soi-disant « inédits », etc., et du fait des abus auxquels certains agissements donnent lieu et ce dans une mesure que leurs auteurs ne soupçonnent même pas, nous considérons que le moment est venu d’apporter notre propre témoignage sur certains événements relatifs à cette correspondance, et auxquels nous avons dû faire face en qualité de représentant régulièrement mandaté de Monsieur Marcel Maugy – Denys Roman. Ces événements ne sont pas pour nous des faits isolés, mais s’inscrivent au contraire dans un vaste processus aux multiples ramifications, dont il convient de dénoncer les méthodes et de mettre en lumière les véritables objectifs.

***

Il nous paraît, en effet, particulièrement instructif d’informer les lecteurs sur le parcours que certains ont fait emprunter à la correspondance de René Guénon à Marcel Maugy, depuis une source abusive et frauduleuse jusqu’à un site « internet », où elle a été livrée -sans droits, sans autorisations, sans vérifications ni contrôle d’aucune sorte- dans un état bien éloigné des lettres missives originales, bafouant ainsi toutes les règles, dont le respect dû, au bout de ce cheminement, à ceux-là mêmes que l’on prétendait servir publiquement de la sorte, et à grande échelle.

Les faits sont les suivants : un individu bien connu des milieux « traditionnels », trahissant la confiance que M. Maugy lui avait un temps accordée, fit des copies de ces lettres et les communiqua dans des cercles à prétention « guénonienne », qualifiés de « très restreints », et dont les membres ont compté et comptent des personnages, dignitaires ou auteurs, dont certains renommés. À partir de là, c’est-à-dire d’un détournement que la législation en la matière considère comme un vol, se confectionna clandestinement, et selon le terme employé par les promoteurs de l’initiative, une « Édition » de ces lettres, augmentée d’autres collections de correspondances de René Guénon. Venu en possession de ces « Éditions » grâce à une rare manifestation d’honnêteté et de loyauté, nous intervînmes auprès des promoteurs en question, qui crurent bon de nous signifier une fin de non-recevoir, pour se raviser ensuite et chercher à nous rassurer sur le caractère confidentiel de cette diffusion. La situation ayant déjà échappé à tout contrôle, la propagation s’est ensuite étendue de plus en plus largement pour aboutir finalement sur un site « internet », d’où nous les avons fait retirer.

Les correspondances ainsi « éditées », précisément à Dôle et Besançon, par cette officine sont principalement les suivantes :

Correspondance de René Guénon Adressée à Marcel Maugy Alias Denis [sic] Roman

  • Adressée à Galvao
  • À un Docteur non identifié
  • À Pistoni
  • À Martinez Espinosa
  • À divers correspondants
  • À Noëlle Maurice-Denis
  • À Ananda K. Coomaraswamy.

Quant à la diffusion que nous avons fait retirer d’ « internet », elle a été publiée sous le titre de « 25 lettres à Denys Roman ».

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Ce qui nous paraît le plus étonnant dans cette affaire, c’est que les différents protagonistes ne semblent à aucun moment s’être inquiétés de la qualité du texte qu’ils transmettaient ; les fautes et les incohérences qui en ressortent et qui ne pouvaient à l’évidence être attribuées à René Guénon auraient pourtant dû attirer leur attention.

La comparaison des lettres missives originales de René Guénon à Marcel Maugy avec celles qui ont été ainsi diffusées est accablante : les dactylographies de Dôle-Besançon, visiblement bâclées dans la plus grande désinvolture, s’avèrent grevées d’erreurs, de fautes parfois grotesques, de mots et de phrases que R. Guénon n’a pas écrits, de confusions de dates et de contenus, etc., toutes choses indignes qui se retrouvent dans les diffusions successives, avec des tares supplémentaires s’ajoutant aux précédentes à chaque étape de reproduction jusqu’à « internet ». En outre, l’ « Édition » en notre possession contient même un « Avis de recherche » (sic !) de pages manquantes ! Curieusement, on faisait également figurer dans cette correspondance une lettre qui n’était pas adressée à Marcel Maugy et dont le destinataire n’était pourtant pas difficile à identifier…

Nous avons également pu constater que certaines des autres correspondances de René Guénon diffusées sur ce même site ne sont que la copie conforme de l’« Édition » de Dôle-Besançon, à la faute près, augmentée de nouvelles. Bel exemple de méthode rigoureuse à l’usage des « chercheurs » de « documentation » qui, d’ailleurs, n’ont nul besoin de cela car leurs cartons sont déjà bien remplis et depuis longtemps ! Quant aux visiteurs ingénus de ce site, il semble bien que l’on ne se soucie guère de les avertir de quoi que ce soit. En effet, si les responsables dudit site se sont résolus sur nos instances à retirer les 25 lettres frauduleuses et erronées en cause, ce qui plaide en leur faveur et dont nous leur donnons acte, ils se sont abstenus jusqu’ci de toute explication publique sur la « qualité » plus que douteuse de la « documentation » ainsi fournie.

À ce propos, signalons en passant que M. Xavier Accart (auteur notamment de l’ouvrage L’Ermite de Duqqi) semble s’être laissé abuser lui aussi, puisqu’il donne, dans le numéro 16 de « Politica hermetica », sans avoir pris soin d’en vérifier l’exactitude mais avec une belle assurance, des références correspondant à la contrefaçon de Dôle-Besançon, références qui s’avèrent de ce fait erronées, ce qui, pour un auteur et historien, représente un surprenant défaut de méthode. Nous avons des raisons précises de penser que M. Accart sait maintenant à quoi s’en tenir sur ce point, mais nous ignorons s’il a lui-même mis en garde les lecteurs de cette revue dont M. Jean-Pierre Laurant est le Directeur scientifique, et qui publie les Actes du XVIIe colloque de l’École des Hautes Études dans ce numéro 16.

Incidemment, dans cette même livraison de « Politica hermetica », nous avons remarqué que la publication du prétendu « inédit » de René Guénon, Psychologie, donne justement à M. J.-P. Laurant -dont les coordonnées « e-mail » et autres annonces sont également présentes sur le site en question- l’occasion de faire allusion à des « stratégies de rétention d’information » (sic). Nous avons même relevé ailleurs l’expression significative de « rétention sectaire ». Ce terme de « rétention » est pour nous très révélateur d’une mentalité qui se trouve, hélas, aux antipodes de ce à quoi elle prétend s’appliquer, puisque totalement profane, au sens technique que R. Guénon donnait à ce mot, et par définition inapte à se placer du point de vue qui était le sien, ou se permettre d’en juger de façon légitime. Il se trouve d’ailleurs que le nom de M. J.-P. Laurant lui-même est cité en toutes lettres dans la contrefaçon de Dôle-Besançon en notre possession, et cela en rapport avec les « critères » qui ont présidé au choix des extraits de lettres de R. Guénon à Galvao publiés dans ladite « Édition », et qui sont ceux-là mêmes que diffuse le site évoqué.

N’en déplaise à ces exégètes scientifiques ou autres annexionnistes, tout ce que René Guénon avait à faire connaître dans l’accomplissement du rôle qui fut le sien l’a été dans son œuvre publique accessible à tous. Rien dans ses écrits d’ordre privé n’y change la moindre virgule, n’en modifie le point de vue ni la finalité ultime. Mais ce genre de considérations ne peut que demeurer parfaitement étranger à ceux qui, finalement, cherchent à percer des « mystères » qu’ils ne découvriront d’ailleurs jamais par leurs méthodes d’analyse et qui s’imaginent trouver dans la correspondance privée de René Guénon le sésame qui leur ouvrira la compréhension de ce que véhicule son œuvre publique.

Plus généralement, une telle approche méthodologique, par laquelle on cherche à puiser dans l’intimité de l’auteur des outils censés expliquer son œuvre, constitue au fond un habile processus, conscient ou non, de substitution et de détournement, encouragé et facilité par la curiosité de nos contemporains pour la « vie simple de René Guénon ». Nous avons trop d’exemples déplorables de tentatives d’annexion pure et simple de cette œuvre et de cette correspondance pour être dupe des manœuvres en cours qui, finalement, ne visent qu’à essayer d’opposer Guénon à lui-même, et de « neutraliser » ce qui ressort de son action traditionnelle maintes fois affirmée. De cette façon en effet, on ne fait que s’éloigner du contenu réel de l’œuvre et de son point de vue spécifique -unique dans toutes les publications traditionnelles occidentales- qui est de nature purement ésotérique, c’est-à-dire initiatique.

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Ce qui est frappant à nos yeux, c’est ce qui ressort de l’ensemble des phénomènes que nous constatons actuellement. Le « singulier vertige » dont René Guénon parlait dans Orient et Occident s’est emparé de tous les milieux, dits « traditionnels » ou non : des centaines de sites s’occupent de René Guénon, sans parler de ce que l’on appelle les « forums », les « blogs », ou les groupes les plus divers ; de nombreux livres voient sans cesse le jour, et ce n’est pas terminé : la plupart de ces productions se renvoient les unes autres par le jeu de ce qui est désigné sous le terme de « liens », et par celui de références placées en notes d’ouvrages « classiques » et renvoyant à divers sites. Ainsi, de véritables réseaux arment une « toile » désormais élargie à tous les secteurs de la diffusion et de l’édition, depuis « internet » jusqu’aux rayons des librairies et inversement.

Ce qui est à remarquer, c’est que, dans ce vaste déversoir, chacun semble trouver son compte, et cela sans paraître se poser (ni poser) la moindre question, bien au contraire : une sorte de confortable consensus s’est installé, liant tacitement tous les protagonistes : il y a là comme un bloc d’hypocrisie gigantesque, recouvert d’une chape de plomb. Les divers pseudonymes et adresses « e-mail » fictives sont de règle dans une partie où chacun s’avance masqué, également par « courriers électroniques » anonymes interposés. En somme : c’est une affaire qui marche, et à peu de frais, sauf à ceux des personnes que l’on trompe ainsi sciemment.

Le tout forme comme un vaste rassemblement, conscient ou non, de forces anti-traditionnelles, qui se « coagulent »  avec toujours plus d’évidence et de détermination, autour du nom et de l’œuvre de René Guénon.

Une sorte de banalisation s’est également installée, avec l’impunité régnante, et tous les moyens sont bons pour « qui veut la fin » ; on en arrive à faire « avaler » les données les plus mensongères, illicites ou frauduleuses, comme si elles étaient de source sûre, autorisées et conformes, en deux mots : fiables et… « libres de droits », et, pour comble de paradoxe, il semblerait même que le simple fait de les voir « officiellement » publiées sur « internet » ou accréditées dans certains ouvrages leur confère une légitimité supplémentaire ! Et cela d’autant plus que bien peu de protestations s’élèvent pour les dénoncer.

À cet égard, et compte tenu de ce qui se passe depuis ces derniers temps autour de René Guénon et de ses écrits, ou prétendus tels, on finit par s’interroger sérieusement sur l’ « efficacité » -il s’agirait plutôt de son absence- du rôle qui incombe à ses actuels mandataires, mandataires qui, en l’occurrence, se révèlent des plus discrets pour la représentation de ses divers doits et la défense de ses écrits. Une telle attitude est d’autant plus anormale qu’elle n’est pas sans conséquences sur les propres héritiers de René Guénon, eux-mêmes bafoués avec la même désinvolture, comme en témoigne, par exemple, la cynique « Note de l’éditeur » Archè, par laquelle débute le livre Psychologie. Il paraît aujourd’hui non seulement légitime mais nécessaire de poser la question, d’autant que cette extraordinaire « discrétion » ne peut être perçue que comme un facteur d’encouragement à des agissements que tout lecteur honnête de René Guénon se devrait de combattre énergiquement.

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Dans un compte rendu de mars 1930, dénonçant la « bassesse » des agissements d’une certaine personne vis-à-vis de ce qui relevait de l’ordre strictement privé le concernant, René Guénon la priait de s’en « abstenir désormais », « sans quoi », ajoutait-il, « nous nous verrions obligé d’agir par les moyens légaux, à regret d’ailleurs, car nous voulons croire que nous avons affaire à une irresponsable. » (Cf. Articles et comptes rendus, tome 1, Éditions Traditionnelles 2002, p. 189 ; souligné par nous).

Quel autre recours reste-t-il, en effet, que les moyens légaux quand on se trouve confronté à des manifestations semblables ? Et faudra-t-il que, pour notre part, nous nous résolvions un jour à en dire beaucoup plus ?

André Bachelet

 

  1. « René Guénon livré à la multitude (I) : témoignage et mises en garde  », paru le 10 juin 2003 dans l’ancien site maçonnique italien : « zen-it.com/studitradizionali » ;  http://denysroman.fr/rene-guenon-livre-a-multitude-ii/ : jusqu’où ira-t-on ?  », paru dans la revue « Vers la Tradition » n° 94 de décembre 2003 / janvier-février 2004.

Sur un article de VLT

Le dernier numéro de  la revue Vers La Tradition (N° 147 mars-avril-mai 2017) qui commence par un article très intéressant de M. Léon Lieudat intitulé : “L’art royal selon Le Politique de Platon” se termine par un article de M. PERROTTO-ANDRE sur lequel nous souhaitons attirer l’attention compte tenu de son importance.

On connaît l’attachement de M. PERROTTO-ANDRE pour la Chevalerie et notamment pour la Chevalerie chrétienne dite de tradition. C’est-à-dire traditionnelle.

Et comme le dit très justement l’auteur, on ne voit pas très bien ce que pourrait être une Chevalerie autre que celle-ci.

Mises à part quelques digressions d’esprit traditionnel toujours utiles,  M. PERROTTO-ANDRE fait un bilan très sévère de la situation maçonnique obédientielle actuelle.

Nous le suivons dans cette situation que René Guénon avait déjà dénoncée en son temps.

Le bilan que fait M. PERROTTO-ANDRE est d’une très grande sévérité et nous pensons qu’il faut  un certain courage pour l’écrire aujourd’hui.

Oui, l’individualisme occidental a fait bien des ravages dans le milieu obédientiel et cela depuis bien des années.

Si la démarche initiatique n’est plus appliquée – et l’on peut considérer qu’elle n’est plus applicable en loge obédientielle- il revient aux Maçons lucides de faire le point comme le suggère M. PERROTTO-ANDRE et de se défaire des liens administratifs.

Mais cela n’est pas suffisant.

Certes quand M. PERROTTO-ANDRE suggère  de se référer aux textes de René Guénon sur la liberté, il va droit au but au sein de la démarche chevaleresque. Ce faisant, il donne une clef qui suppose un engagement total de l’être : chose qui n’est pas très aisée aux Occidentaux.

Cette situation ne saurait durer et bientôt les comptes seront à rendre.

Nous sommes les ouvriers de la 11ème heure. Ceci  est un privilège qui participe de la Miséricorde du Très- Haut : privilège qui nous est accordé pour peu de temps.

A. B.