LES DOUZE TRAVAUX D’HERCULE

[Ce texte de Denys Roman a été primitivement publié en avril 1980 dans la revue Renaissance Traditionnelle n° 42 ; repris dans le second volume de l’auteur, Réflexions d’un chrétien sur la Franc-Maçonnerie – « L’Arche vivante des Symboles » publié aux Éditions Traditionnelles en 1995, il en forme le chapitre XI.]

La mythologie grecque est riche en légendes de toutes sortes, dont il est parfois difficile de découvrir le sens véritable, qui à l’origine devait le plus souvent exprimer une vérité d’ordre doctrinal et même initiatique. Dans un des « classiques » de la philosophie hermétique, Les Fables égyptiennes et grecques dévoilées, dom Pernéty a longuement commenté les principales de ces légendes. Mais cette œuvre, utile en tant que documentation, nous semble pêcher par certains défauts, qui sont d’ailleurs moins les défauts de Pernéty que ceux de son siècle. Quand nous le voyons, par exemple, s’appliquer longuement à démontrer que tous les héros de la guerre de Troie ont, selon Homère, une ascendance divine et qu’en conséquence, pense-t-il, leurs exploits ne peuvent être que l’expression symbolique des opérations de l’Œuvre alchimique, nous ne saurions le suivre sur ce point. Mais qui songerait à blâmer Pernéty ? De son temps, on n’avait pas encore retrouvé les ruines de Troie ; et d’autre part, c’est seulement de nos jours qu’à la suite de René Guénon certains admettent que les événements historiques, comme aussi les faits géographiques ou autres, ont par eux-mêmes une signification symbolique[1].

Signalons en passant une curieuse conséquence de la position de Pernéty. Il postule que les mythes antiques ne sont pas des faits historiques et ne peuvent donc être que des symboles. Comme il est bien obligé d’admettre que les faits relatés par les livres sacrés du Christianisme sont des faits historiques, il n’envisage même pas la possibilité qu’ils pourraient être eux aussi des symboles hermétiques. Cela appauvrit singulièrement ses dissertations et surtout son Dictionnaire.

Pernéty semble avoir donné une importance particulière aux légendes où il est question de l’or. L’âge d’or, la toison d’or, la pluie d’or, les cornes d’or, les pommes d’or font dans son œuvre l’objet d’un examen particulier. On relève quelques oublis dans cette liste. Pourquoi avoir omis le cheveu d’or de Ptérélas qui rendait son possesseur immortel et avait donc un rapport évident avec l’élixir de longue vie[2] ? Et, étant donné le rôle initiatique de la vigne, pourquoi n’avoir pas au moins mentionné les rameaux ou plants de vigne en or[3] ?

Pernéty ne signale pas non plus la fin parfois malheureuse des principaux conquérants de l’or. C’est ainsi qu’Hippomène qui avait reçu de Vénus trois pommes d’or qui lui permirent d’épouser Atalante, fut, ainsi que cette dernière, métamorphosé en bête féroce et attelé au char de Cybèle[4]. Quant aux Argonautes, ils réussirent bien à s’emparer de la toison d’or, mais leur voyage de retour fut hérissé de tribulations et la vie ultérieure de leur chef Jason ne fut qu’une longue suite de tragédies. Il semble que de tels faits auraient pu donner lieu à quelques développements sur la nécessité du « rejet des pouvoirs »[5].

Hercule s’était embarqué avec les Argonautes, mais dès les premières étapes du voyage il se sépara d’eux[6]. Il devait accomplir un nombre d’exploits considérable, mais les plus célèbres sont connus sous le nom des douze travaux d’Hercule. Le caractère sacré du nombre 12 peut laisser supposer que les travaux d’Hercule ont une signification initiatique ; et, de fait, l’oracle de Delphes avait déclaré qu’à l’issue de ces 12 travaux et des 12 années de servage dues par le héros à son cousin Eurysthée, Hercule serait admis à l’immortalité.

Pernéty a employé une partie considérable de son ouvrage à examiner les travaux d’Hercule au point de vue de leur application à l’hermétisme. Il a bien vu en particulier que dès la naissance même du héros on trouve un épisode très caractéristique. Alors qu’il était au berceau avec son demi-frère Iphiclès, la déesse Junon envoya deux serpents monstrueux pour les dévorer. Iphiclès s’enfuit épouvanté, mais Hercule, saisissant les serpents un dans chaque main, les étrangla. Cet exploit l’identifiait en quelque sorte au caducée d’Hermès, constitué essentiellement par une tige d’or autour de laquelle s’enroulent deux serpents. Et il faut remarquer également que, dans certaines représentations du Rebis, ce symbole de la perfection de l’état humain tient dans chaque main un serpent[7].

On pourrait déceler un sens symbolique à toutes les aventures d’Hercule, même à celles qui n’ont pas été rangées dans le cycle des 12 travaux[8]. Une des plus curieuses à cet égard est le récit de son esclavage chez Omphale, reine de Lydie[9]. Cette servitude se termine par un mariage, et l’on rapporte à ce sujet une curieuse histoire d’« échange hiérogamique » : Hercule, ayant revêtu la robe de la reine, filait la laine à ses pieds, tandis qu’Omphale, couverte de la peau du lion de Némée, brandissait la massue du héros. On peut remarquer à ce propos que la quenouille (tenue de la main gauche) et la massue (tenue de la main droite) sont l’une et l’autre des symboles « axiaux » qui jouent, par rapport au couple Hercule-Omphale (identifiable au Rebis), un rôle analogue à celui des deux serpents dont il a été question plus haut[10].

Parmi les douze travaux, ce sont surtout les trois derniers qui présentent un intérêt au point de vue hermétique. Et tout d’abord une remarque s’impose. Alors que les neuf premiers travaux ont pour théâtre le monde grec et ses abords immédiats (Asie Mineure et Thrace), les trois derniers nous en éloignent considérablement, au point de nous faire sortir du bassin méditerranéen (bœufs de Géryon et jardin des Hespérides) et même du monde terrestre (descente aux Enfers). Ce sont d’ailleurs ces trois derniers travaux qui portent le plus nettement l’empreinte initiatique et c’est sur eux qu’il semble intéressant de s’arrêter.

L’ordre d’énumération des douze travaux est généralement le même chez les auteurs anciens, à une exception près cependant pour ce qui concerne les deux derniers. Le plus souvent, le 11e travail est l’enlèvement des pommes d’or et le 12e la descente aux Enfers ; c’est d’ailleurs cet ordre qu’a suivi Pernéty, Mais on a aussi donné le 11e travail comme la descente aux Enfers et le 12e comme la conquête des pommes d’or, et il semble bien que ce dernier ordre soit le plus conforme aux principes traditionnels[11]. En effet, si les 12 travaux ont une signification initiatique, la descente aux Enfers ne saurait en marquer le terme. Elle devrait même en marquer le début ; mais on peut considérer les premiers travaux comme des épreuves préliminaires ; et le fait qu’Hercule, avant de descendre aux Enfers, se fit initier aux mystères d’Éleusis, vient encore renforcer cette interprétation[12].

Ce qui aurait pu confirmer ou infirmer la « régularité » de l’ordre ordinairement donné pour la succession des 12 travaux, c’est la correspondance de chacun d’eux avec un des 12 signes du Zodiaque. Malheureusement, un auteur qui a fait une étude approfondie de la géographie sacrée de l’ancienne Grèce, M. Jean Richer, établit irréfutablement qu’en dépit des tentatives répétées « depuis Hygin et Ératosthène », une telle prétention est « manifestement absurde » et que toute concordance entre les signes et les travaux est « impossible à établir ». En conséquence « c’est en vain qu’on chercherait à tirer de l’inventaire des travaux un Zodiaque complet ». La raison donnée par M. Jean Richer d’un tel état de choses est très intéressante. Elle est en effet « liée au phénomène de la précession des équinoxes », si important pour tout ce qui touche la chronologie traditionnelle. Alors qu’à une époque très ancienne, l’équinoxe de printemps coïncidait avec l’entrée du soleil dans le signe du Taureau, « à partir de 2000 environ avant notre ère, le point vernal fut dans le signe du Bélier, par suite du déplacement du colure des équinoxes ». D’après M. Jean Richer un tel changement dans les faits astronomiques provoqua dans les diverses cités grecques, « avant l’acceptation d’un système nouveau, un certain flottement aboutissant à des superpositions ou à des attributions doubles qui se reflètent dans les légendes et les monuments ». Nous avons résumé, trop brièvement sans doute, l’argumentation de M. Jean Richer, qui nous paraît avoir définitivement éclairci un problème rendu particulièrement difficile par « l’état de dégradation dans lequel les légendes mythologiques nous sont parvenues »[13].

Ainsi donc, il est impossible de faire coïncider l’ordre de succession des travaux d’Hercule avec l’ordre de succession des signes du Zodiaque. Tout essai d’établir une « correspondance » entre ces travaux et les principes de cet aspect important de l’hermétisme que constitue l’astrologie se trouve par là même compromis, et il est à craindre qu’il en soit de même pour l’autre aspect : l’alchimie. Que pense à cet égard Pernéty ?

À son habitude, il ne se préoccupe guère de faire coïncider les épisodes successifs de la légende avec la suite ordinairement reconnue des « opérations » de l’Art alchimique. Simplement il rappelle, à propos des acteurs principaux du mythe héracléen (lion, hydre, oiseaux, etc.), les symboles analogues qu’on rencontre en abondance dans les écrits hermétiques, et il en tire des conclusions qui d’ailleurs sont loin d’être sans intérêt, mais qui n’éclairent guère sur la signification profonde de la science des philosophes. Nous pensons en effet, suivant en cela René Guénon, que l’Art Royal n’eut jamais pour but de changer le plomb en or, mais qu’il travaillait sur une « matière première » bien autrement précieuse, l’homme, qu’il s’agissait de transmuter en Homme Véritable, « réintégré » dans l’état originel adamique, tandis que de ce fait même la nature tout entière retrouvait pour lui les conditions édéniques de l’« âge d’or ».

Dans cet ordre d’idées, on peut remarquer que certains éléments de la légende d’Hercule sont susceptibles, si on leur applique les principes de l’interprétation traditionnelle du symbolisme universel, d’acquérir une signification et une portée pour ainsi dire « technique », riches d’enseignements pour l’attitude de l’initié et même de tout être qui aspire à la connaissance.

C’est notamment le cas pour le 10e travail, l’enlèvement des bœufs de Géryon, qui implique pour Hercule la sortie de la Méditerranée afin d’accéder à l’île d’Érythie située dans l’Océan. Le héros devait donc franchir le détroit qui depuis lors prit le nom de « colonnes d’Hercule ». Le passage entre les colonnes se retrouve dans tous les rites initiatiques, et les colonnes elles-mêmes ont des significations multiples. Les colonnes d’Hercule avaient été élevées par le héros lors de son retour dans le bassin méditerranéen pour regagner sa patrie, et il grava sur elles l’inscription : « Non plus ultra ». Dante nous rappelle ce fait au cours de cet étrange chant XXVI de l’Enfer où il a rassemblé de très nombreuses allusions relatives aux dangers encourus par ceux qui, en matière d’initiation, suivent une voie « irrégulière ».

Voici l’essentiel de ce texte, où Ulysse, enseveli avec Diomède dans une tombe enflammée, fait à Virgile et à Dante le récit de sa dernière et fatale aventure :

« Quand je quittai Circé, qui m’avait retenu captif à Gaëte (…), ni les caresses de mon fils, ni la piété envers mon vieux père, ni l’amour que j’avais juré à Pénélope ne purent vaincre mon ardeur pour la connaissance du monde et des hommes. Mais sur la haute mer prenant mon essor, et suivi de ces compagnons qui jamais ne m’abandonnèrent, je cinglai vers l’Espagne et le Maroc (…). Nous étions vieux et appesantis par l’âge quand nous parvînmes à cette gorge étroite où Hercule planta ses deux bornes afin que nul n’osât se hasarder plus loin. Je dis alors : Frères qui, à travers mille et mille dangers, êtes parvenus aux limites de l’Occident, suivez le soleil, et ne refusez pas à vos yeux exténués par les veilles la connaissance du monde inhabité. (…). J’avais si fort excité l’ardeur de mes amis que je n’aurais pu ensuite les retenir. De rames nous nous fîmes des ailes pour un vol fou (cinq mois), après que nous eûmes franchi le pas suprême, nous arrivâmes à un mont isolé, le plus haut qu’on n’eût jamais vu. En le voyant notre joie fut grande, mais cette joie se changea bientôt en larmes. De la terre nouvelle sortit un tourbillon qui vint frapper notre navire. Par trois fois il le fit tournoyer : à la quatrième fois, la poupe du navire se dressa et la proue s’abîma dans la mer comme il plut à Un Autre, et enfin la mer se referma sur nous. »

Ce récit est tellement différent des diverses versions sur la mort d’Ulysse transmises par la tradition que nous sommes pour ainsi dire contraints de penser que l’Alighieri, en l’inventant, a voulu provoquer la surprise et la perplexité de ses lecteurs. De fait, il n’est peut-être pas une seule de ses expressions qui ne puisse donner lieu à de longs développements. Nous nous proposons d’attirer l’attention sur quelques points*, sans avoir la prétention d’élucider toutes les obscurités d’un texte que le meilleur commentateur traditionnel de Dante, Luigi Valli, considérait comme particulièrement énigmatique.

Denys ROMAN

[1] Pour Pernéty, les héros de la mythologie n’ont pas existé ; ils ne peuvent donc être que des « figures », et Pernéty pensait que ces figures ne peuvent représenter autre chose que les doctrines et les opérations de l’alchimie. Il est beaucoup plus légitime de penser avec Guénon que les héros mythologiques ont existé et qu’ils n’en sont pas moins des symboles, et même des symboles d’autant plus excellents que leur existence historique a véritablement « incarné » des réalités d’un ordre supérieur qui n’est d’ailleurs pas limité au seul domaine hermétique.

[2] Ce cheveu d’or avait été donné à Ptérélas, roi de Taphos, par son père le dieu Neptune. Il fut coupé par la fille de Ptérélas, ce qui provoqua immédiatement la mort du roi. Ovide, dans ses Métamorphoses, parle d’un cheveu de couleur pourpre, celui de Nisus, auquel était attachée la possession du royaume de Mégare. Dans certaines versions de cette légende, le cheveu magique de Nisus n’est pas un cheveu pourpre, mais un cheveu d’or.

[3] Un rameau d’or, donné par Dionysos, joue un rôle important dans la légende d’Hypsipyle, héroïne qui est en relation avec deux entreprises hautement symboliques : l’expédition des Argonautes et la guerre des Sept Chefs contre Thèbes. D’autre part, un plan de vigne en or, donné par Jupiter, est à l’origine de la dernière tentative pour sauver Troie de la ruine : l’intervention d’Eurypyle, fils de Télèphe. Enfin, il est presque inutile de rappeler le rameau d’or que, sur les indications de la Sibylle de Cumes, Énée alla cueillir dans un bois sacré afin de l’offrir à la reine des Enfers.

[4] La légende d’Hippomène et d’Atalante, célèbre dans les textes hermétiques, est l’objet d’un traité des plus remarquables de Michel Maier : Atalante fugitive, que nous retrouverons ci-dessous.

[5] Une aventure mythologique où l’or joue un certain rôle et qui finit bénéfiquement est l’histoire célèbre de Psyché, que le poète latin Apulée a longuement contée dans son roman L’Ane d’or, dont le dernier chapitre relate les rites de l’initiation aux mystères d’Isis. Dans l’histoire de Psyché, il est question d’un palais d’or et aussi de moutons à la laine d’or, ce qui rappelle le bélier à toison d’or. Les voyages et les diverses « épreuves » de Psyché précèdent sa descente aux Enfers, suivie de son ascension dans le ciel où elle consommera l’ambroisie et le nectar. Tout cela présente évidemment les caractères d’un processus initiatique heureusement conduit à son terme normal, qui n’est autre que la divinisation du héros (ou de l’héroïne). Il est d’ailleurs précisé que c’est Mercure-Hermès qui accompagne Psyché dans son voyage céleste. Il est aussi question, dans la mythologie, d’un chien d’or dont le rôle fut tour à tour bénéfique et maléfique. C’est le chien magique en or qui veillait sur Jupiter enfant et sur la chèvre Amalthée dans les montagnes de la Crète. Ce chien d’or, volé ensuite par Pandarée, provoqua la « pétrification » du ravisseur qui fut métamorphosé en rocher.

[6] Selon les Argonautiques d’Apollonius de Rhodes, Hercule, sur la côte d’Asie, perdit un temps considérable à rechercher son compagnon Hylas enlevé par une nymphe, et les Argonautes, las de l’attendre, poursuivirent sans lui leur navigation.

[7] Le Rebis du Rosaire des Philosophes tient dans sa main gauche un serpent vertical et dans sa main droite une coupe d’où sortent trois têtes de serpents. Cette figure équivaut à celle d’Hercule étranglant les serpents, la dualité du Rebis pouvant être représentée par le couple Hercule-Iphiclès. Comme les symboles hermétiques, ainsi que tous les symboles, sont susceptibles d’une pluralité d’interprétations, on remarquera que le serpent vertical, tenu à gauche, est l’équivalent de l’épée, et qu’il est donc complémentaire de la coupe tenue à droite. On sait que la coupe et l’épée symbolisent respectivement la doctrine et la méthode, qui constituent les deux aspects de tout enseignement initiatique.

[8] C’est ainsi que l’histoire bien connue d’Hercule hésitant, au début de sa carrière, entre le Vice et la Vertu, était célèbre chez les Pythagoriciens qui la représentaient par la lettre Y, que Rabelais appelle « la lettre pythagorique ». On peut y voir, selon Guénon, le symbole de l’initié hermétique ayant à choisir entre les deux Voies, la « Voie sèche » et la « Voie humide ».

[9] Ce nom d’Omphale rappelle évidemment l’omphalos du Temple de Delphes, considéré par les Grecs comme le « nombril de la terre » et le centre du monde. En ce lieu s’effectuait la « résolution des oppositions », et c’est pourquoi on y avait déposé en ex-voto le collier d’Harmonie, fille de Mars et de Vénus, c’est-à-dire de la guerre et de l’amour. Chez les Juifs, le nombril de la terre était situé sur le mont Moriah (équivalent hébreu du Mérou des Hindous). C’est sur ce mont, célèbre par le sacrifice d’Abraham, que sera construit le Temple de Salomon. L’emplacement est aujourd’hui compris dans la mosquée d’Omar.

[10] On peut rappeler également, comme symbole équivalent, les croix des deux larrons de part et d’autre de la croix centrale du Christ. Le Christ, en tant que nouvel Adam, est évidemment l’Homme Véritable, dont le Rebis est le symbole. On pourrait objecter que le Christ est essentiellement masculin, alors que le Rebis est androgyne. Mais cette difficulté semble bien être plus apparente que réelle. Dans les représentations traditionnelles de la mise en croix, le soleil et la lune (emblèmes respectivement masculin et féminin) sont figurés au-dessus des mains du Christ. D’autre part, au pied de la croix se tient le groupe des « saintes femmes » réunies autour de la Vierge Marie qui, dans la vision propre au christianisme, a pour ainsi dire « concentré » sur sa personne un « reflet » des aspects féminins de la Divinité.

[11] Cet ordre est donné notamment par le Dictionnaire de la Mythologie grecque et romaine de M. Pierre Grimal. Cet ouvrage, d’une érudition considérable, tient compte des renseignements fournis par tous les auteurs anciens, des plus célèbres aux plus méconnus.

[12] En réalité, comme nous allons le voir ci-après, ce sont les neuf premiers travaux qui ont ce caractère préliminaire. Le 10e travail (enlèvement des bœufs de Géryon) comporte en effet le passage par les « colonnes d’Hercule », rite dont on retrouve l’équivalent dans tous les types d’initiation.

[13] Jean Richer, Géographie sacrée du monde grec (chap. X, pp. 107-117).

* Conformément au projet qu’avait formé Denys Roman, le présent texte figure parmi les chapitres qu’il prévoyait d’inclure dans son second ouvrage ; la disparition de l’auteur, survenue le 21 mars 1986, le prive des développements annoncés.