Magister. Manual del Compañero.

Magister. Manual del Compañero (Editorial Kier, Buenos Aires).
[Compte rendu publié dans les E. T. Nº 307, avril-mai 1953, pp. 148-149]

Tout le monde convient que le grade de Compagnon est le moins riche des 3 grades symboliques, le moins riche et aussi celui qui a été le plus maltraité par les « modernisateurs » à outrance. Et cependant, l’auteur a trouvé moyen de nous donner, sur ce grade déshérité, un volume de 220 pages, dense et intéressant, et en somme digne du premier, mais où l’on relève aussi quelques tendances « occultistes ». La Ier partie retrace l’histoire de la Maçonnerie spéculative, en insistant, comme il est naturel, sur ses vicissitudes dans les pays de langues ibériques. Puis il étudie successivement les 5 voyages, la rétrogradation, l’épée sur le cœur, les 5 marches du Temple, l’étoile flamboyante, la « tentation », le serment. Viennent ensuite de bonnes remarques sur la pierre cubique à pointe, la section dorée, les « outils de la Maçonnerie », les 3 fenêtres, l’épi de blé, les 5 ordres d’architecture, etc. L’étude des 5 sens, thème du Ier voyage, est particulièrement développée, et on y trouve bien des ouvertures sur la « cosmologie sacrée ». Peut-être pourrait-on discuter l’importance accordée ici à la vue, que l’auteur place en tête de la liste des sens. Il nous semble que l’ouïe devrait avoir la prééminence ; quoi qu’il en soit, l’auteur fait à ce sujet maintes remarques, qu’appuie parfois telle citation évangélique, et qui pourraient servir à enrichir la « monition solennelle » du Ier voyage. Les outils que l’auteur affecte à chaque voyage sont ceux du rite écossais, qui nous ont toujours semblé difficilement justifiables. Il ne serait certes pas malaisé de trouver dans les autres rites une meilleure répartition, et nous nous étonnons que l’auteur ne se soit même pas préoccupé de la question. Il faut, par contre, le louer sans réserve d’avoir entièrement passé sous silence les 5 fameux « philosophes » qui, dans certains rituels, ont pris la place de la « station entre le ciel et la terre ». À signaler aussi le chapitre sur la « Grâce », un des mots que les rituels espagnols font symboliser à la lettre G. Le chapitre sur les éléments est très défectueux, et l’auteur aurait grand intérêt à tenir compte des études que René Guénon a consacrées à ce sujet important. Ce que dit l’auteur sur la « noblesse » du travail (pp. 163-170) est à rapprocher des études de Coomaraswamy et de M. Eric Gill, dont René Guénon a rendu compte abondamment dans les E. T. de 1938 et de 1939, et aussi du passage bien connu de saint Paul dans la 2e Epître aux Thessaloniciens (III, 6-18). « Magister » sait sans doute que ce texte scripturaire est utilisé lors de l’ouverture d’un Chapitre de « Sainte Royale Arche », selon la version qui procède de la Grande Loge des « Anciens ». Au moment le plus solennel de l’ouverture des travaux, le « Grand-Prêtre » lit ce texte dans la Bible, tous les Compagnons formant alors l’« arche caténaire ». Les considérations de « Magister » sur un tel sujet se terminent par d’excellentes remarques sur l’attitude « active », indispensable pour l’accession à la maîtrise, et sur les dangers de l’attitude inverse, c’est-à-dire « passive ». L’être actif agit librement, quelles que soient les circonstances ; l’être passif est l’esclave du « hasard ». Et, pour le dire en terminant, c’est justement parce que tout dans l’initié doit être le fruit d’une « élection rituelle » (presque au sens alchimique de ce terme), et rien la conséquence d’un « hasard » (ou plutôt de ce qui apparaît sur la terre comme un hasard), que le récipiendaire est tenu d’être « né libre » (Cf. le Sloane Manuscript, qui remonte à 1646 ; Preston, Illustrations of Masonry, p. 82 ; Mackey, Encyclopedia of Freemasonry, tome I, p . 127, où l’on trouvera l’indication d’autres ouvrages ayant traité du même sujet).

Denys Roman.