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E.T. N° 426 – juillet- août 1971

— Dans le n° 4 (octobre 1970) de Renaissance Tradition­nelle, nous trouvons un article de M. Jean-Pierre Crystal qui reproduit un texte publié en 1745 en Hollande et en Saxe. Ce texte exclut formellement de la Maçonnerie tous les candidats non chrétiens. « L’Ordre, y est-il dit, n’ad­met que des chrétiens. Les Juifs, les Mahométans et les Païens en sont ordinairement exclus ». On voit l’extraordi­naire « limitation d’horizon » de la Maçonnerie andersonnienne ; car le texte reproduit ici n’est pas le seul de son genre. La manifestation des « anciens » en 1751, puis l’ « Union » de 1813 devaient amener en Angleterre une saine réaction. Ce qui est vraiment étrange, c’est que les Maçons athées d’aujourd’hui font honneur à Anderson et à J.-T. Désagulier de leur « largeur de vues » et de leur esprit de tolérance !

Suit un intéressant article de M. Pierre Chevallier sur « les adversaires francs-maçons de Voltaire : Fréron, l’abbé Destrées et le poète Le Franc de Pompignan ». Dans la con­clusion de cette étude fortement documentée, l’auteur rap­pelle que les trois personnages ci-dessus nommés, défen­seurs de l’ « orthodoxie » religieuse et même politique, « sont très représentatifs de la majorité des Maçons de leur temps. » Et il ajoute : « Seule une fraction de l’Ordre, groupée à Paris dans l’atelier des « Neufs Sœurs » à partir de 1776, se distingue nettement, par ses tendance philoso­phiques et ses liens avec le groupe des deuxièmes Encyclo­pédistes, du reste de l’Ordre. » Cette attitude particulière des « Neuf Sœurs » explique « son désir de compter Vol­taire parmi ses membres ». C’est ici le lieu de rappeler que Guénon. il y a 34 ans, avait déjà fait des remarques absolu­ment identiques, mais dont la portée s’ouvrait sur des perspectives relevant de la « grande histoire ». Il écri­vait : « La Loge « Les Neufs Sœurs », dont Franklin qui fut membre et même Vénérable, constitue, par la mentalité spéciale qui y régnait, un cas tout à fait exceptionnel dans la Maçonnerie de cette époque. Elle y fut sans doute l’unique centre où certaines influences extrêmement sus­pectes dont Franklin semble bien avoir été dans la Ma­çonnerie et en dehors d’elle, l’agent propagateur trou­vèrent alors la possibilité d’exercer effectivement leur action destructrice et antitraditionnelle : et ce n’est certes pas à la Maçonnerie elle-même qu’on doit imputer l’initiative et la responsabilité d’une telle action » (cf. Études sur la F.-M., t. I, p. 277). Cette note, rédigée en rendant compte d’un article du Mercure de de France, fut l’occasion d’une discussion assez prolongée avec l’auteur dudit article ; ce qui amena Guénon à évo­quer l’action de la contre – initiation, l’hostilité de Franklin contre Washington, le rôle de Cromwell dans l’Angle­terre du XVIIe siècle, etc. Bien entendu, M. Pierre Cheval­lier n’avait pas à entrer dans des considérations de cet ordre, et il est déjà très remarquable que ses recherches personnelles l’aient conduit à porter sur « Les Neuf Sœurs » un jugement qui tranche notablement sur celui de la plu­part des historiens maçonniques français ou étrangers. Rappelons à ce propos que Guénon, au cours de la discus­sion mentionnée ci-dessus, trouvait « plutôt amusant » qu’on pût en ces matières lui opposer « l’opinion d’un historien », cet historien eût-il des titres aussi prestigieux qu’en avait alors M. Bernard Fay.

 M.René Désaguliers termine ses « Notes sur le serment maçonnique » par des considérations sur les « pénalités corporelles » qui constituent la dernière partie (« l’impré­cation ») de ce serment. Le caractère rigoureux de ces pé­nalités les rend difficilement acceptables pour la mentalité moderne. Aussi ont-elles été supprimées en plusieurs cir­constances : par le Régime Rectifié dès 1778 ; par le Grand- Orient de France au XIXe siècle : et enfin par la Maçonne­rie anglaise à une date récente. M. R. Désaguliers regrette ces concessions à la « sensiblerie » moderne. Pour lui, les pénalités sont étroitement liées aux signes, qui consti­tuent « le langage fondamental de la Maçonnerie ». Il se demande si, dans certains cas, cette disparition a laissé subsister « un niveau suffisant d’instruction maçonnique ». Tout à la fin de son article, il émet des considérations qui soulèvent des problèmes trop peu souvent abordés en Lo­ge, mais pour lesquels, à notre avis, il envisage parfois des solutions discutables. Il écrit par exemple : « Si tous les Maçons disparaissaient de la surface de la terre et que des profanes tombent en possession de leurs « secrets » [c’est- à-dire des signes, attouchements et mots sacrés de chaque grade], ceux-ci ne reformeraient-ils pas une Maçonnerie régulière en se faisant mutuellement prêter le serment tra­ditionnel de ne pas révéler ? » M.R. Désaguliers ne re­garde d’ailleurs une telle éventualité que comme un « cas extrême ». Mais nous pensons, avec la tradition constante de l’Ordre, que des profanes ne peuvent s’initier eux-mê­mes et qu’un Maçon ne peut être « créé » que « dans une Loge juste et parfaite », et par un ensemble de « points » dont douze sont majeurs et dont un est essentiel. Ce rite essentiel, ce ne peut être le serment, malgré son impor­tance pour « lier » le récipiendaire, mais qui ne peut aucunement déterminer la « vibration » nécessaire pour illuminer le chaos de l’individualité et « transmuter » le profane en « frère de Jean » (John’s Brother), c’est-à-dire en frère du « fils du tonnerre ».

Dans le n° 5 (janvier 1971), nous avons surtout remarqué la suite de l’ « Incitation à la connaissance du Compagnon­nage » de M. Gérard Lindien, dont l’étude se continue d’ailleurs dans chaque numéro. Nous y notons une remar­que très juste, mais que ne doivent guère goûter les esprits modernes. « Un Devoir [c’est-à-dire une organisation compagnonnique] n’a jamais été, écrit l’auteur, la création sou­daine et achevée de quelque génie médiéval, serait-ce Ber­nard de Clairvaux. » L’origine de ces Devoirs, est-il préci­sé, remonte aux Collegia gallo-romains. Voilà qui nous change agréablement de ceux qui ne veulent rien voir au-delà du moyen âge. Et l’auteur, décidément en veine de « contestation », ne craint pas d’ajouter, pour expliquer la permanence des techniques et des traditions artisanales : « Lorsque nous aurons éteint les incendies généreusement allumés à chaque page des livres d’histoires scolaires de la Bourgeoisie, et que cesseront les allègres légendes des « grandes invasions horribles », nous saurons que la vie continuait (peut-être pas beaucoup plus terrible qu’en ce 1970 avec non seulement ses nécessités, mais aussi ses luxes ». Ces choses-là font plaisir à entendre. Mais si M. Gérard Lindien se met à critiquer l’Histoire telle qu’on l’enseigne et à blasphémer le « dogme » immarcescible du Progrès, — il va se faire honnir, et pas seulement de « la Bourgeoisie ».

— Dans le n° 6 (avril). M. Henri Amblaine, dans un très long article intitulé « De l’Ordre et des Obédiences en 5970 », rapporte un assez grand nombre de faits qui l’amè­nent à exposer des considérations dont plusieurs concernent dans certaines Loges « la tendance au bavardage et au pseudo-par­lementarisme qui prend de redoutables proportions ». Mais il reconnaît qu’en Maçonnerie la ferveur pour la « laïcité » (assimilée parfois, paraît-il, à la liberté) est en déclin mar­qué : il donne sur ce point des précisions convaincantes. — Par ailleurs, M. Amblaine critique âprement une asser­tion de M. Jean Baylot qui, dans un ouvrage dont nous nous avons parlé, affirmait que les rites d’initiation de la Maçonnerie actuelle « sont très exactement » les mêmes que ceux « des tailleurs de pierre du moyen âge ». Bien entendu, si M. Baylot avait voulu dire par là que rien n’a changé dans les rites d’initiation depuis des siècles, cela serait difficilement soutenable, car il est certain que les rites des Opératifs étaient beaucoup plus longs que ceux d’aujourd’hui. Mais nous pensons et tel était sans doute le propos de M. Baylot — que si les rites ont pu changer substantiellement, ils sont restés rigoureusement les même dans leur « essence ». En particulier, les Opératifs devaient avoir, comme les spéculatifs l’ont encore, soit la consécration par l’épée flamboyante (symbole de la foudre), soit la « cérémonie de la Lumière » opérée sur un « geste » du Vénérable qui symbolise l’éclair. Sans l’un ou l’autre de ces rites « fulguraux » qui manifestent les « influences » éter­nellement jeunes de la Réalité spirituelle, la Maçonnerie actuelle ne serait en somme qu’une vieillerie sans intérêt, et les Maçons des « fossiles d’avant 14 », pour employer l’expression que M. Amblaine, passant par le quartier La­tin un jour de Convent, a pu déchiffrer parmi les innom­brables graffiti qui commentaient sans indulgence une affiche de propagande maçonnique.

Denys Roman

E. T. nº 296, décembre 1951, pp. 388-398

Le Symbolisme de janvier 1950

– Le nº de janvier 1950 du Symbolisme débute par un article de « La Lettre G » sur l’ouvrage posthume d’Albert Lantoine : Finis Latomorum. « La Lettre G » approuve les critiques qu’Albert Lantoine a portées contre ce qu’il considérait comme les tares de la Maçonnerie latine de son temps : c’est-à-dire le prosélytisme en matière de recrutement et les préoccupations politiques de trop d’ateliers ; « La Lettre G », par contre, regrette justement l’incompréhension de Lantoine pour tout ce qui touche au symbolisme et au ritualisme de l’Ordre. Continuer la lecture