Magister. Manual del Maestro.

Magister. Manual del Maestro (Editorial Kier, Buenos Aires).
[Compte rendu publié dans les E. T. Nº 307, avril-mai 1953, pp. 149-150]

On ne saurait trop regretter que l’auteur, dans ce manuel, se soit cantonné presque uniquement dans la version « écossaise » du grade de Maître, et qu’il ait entièrement laissé de côté les versions anglo-américaines, et surtout celle du rite rectifié, toutes versions dont la supériorité n’est pas contestable. Il en résulte qu’on ne trouvera dans son livre aucune indication sur la « lumière du Maître Maçon », les « ténèbres visibles », la lucarne, la voile déchiré, la pierre roulée, l’arche, la manne, la rosée, le vase d’encens, la bêche, la ruche, tous symboles du rite d’York, et aucune des indications rituelles pour la recherche de la « Parole perdue », qui jouent un tel rôle au rite rectifié, héritier, comme le rite suédois et le rite de Zinnendorf, de la Stricte Observance. C’est peu de dire que le symbolisme de ce grade essentiel en soit appauvri ; il faut dire qu’il est irrémédiablement mutilé, et une telle mutilation nous rappelle étrangement celle dont il est question dans la légende d’Osiris, dont on sait la parenté avec la légende d’Hiram. Si l’on songe que les Lectures de Preston, qui sont le plus ancien type de ces enseignements traditionnels, attribuent 12 « sections » au 3e degré ; contre 6 au premier et 4 au second, on se rend compte de la richesse du matériel symbolique originel du « sublime grade de Maitre Maçon ». Remarquons en passant que le nombre total des sections « prestoniennes » est de 22, nombre des lettres de l’alphabet hébraïque ; il ne faut pas oublier que Preston appartenait à la célèbre Loge « Antiquity », qui travaillait from time immemorial, et qu’il dut recueillir bien des vestiges de la tradition opérative. L’ouvrage de « Magister aurait gagné à s’inspirer de ces diverses « sources ». Nous ne voulons certes pas dire que ce volume soit sans intérêt ; nous avons surtout remarqué les chapitres sur l’« accusation de meurtre », la rétrogradation, la « marche mystérieuse des Maitres » ; la « trace » de la fuite d’Hiram-Abiff dans le Temple, les 7 obligations du serment, le cordon de Maître, la sublimation, et surtout celui sur Tubalcaïn. Sur ce dernier sujet, peut-être l’auteur aurait-il pu accorder quelque attention à l’histoire de Salomon et du « Fils de la Forge », souvent présentée comme une « vieille légende rabbinique », mais qui est en réalité tout autre chose. Du moins, « Magister » a bien vu l’importance de la « restitution des métaux », « œuvre de prédilection du Grand-Maitre Hiram-Abiff, qui fit pour le roi Salomon les deux colonnes de bronze, et la mer d’airain ». Par cette restitution, les métaux cessent de symboliser les vices pour symboliser désormais les vertus, l’orgueil cédant la place à la Foi, etc. Nous n’avons pas besoin d’ajouter que Magister ne fait nulle mention de l’histoire d’Hiram-Abiff et de la reine de Saba, revue et corrigée par Gérard de Nerval. La 3e et la 4e partie appelleraient bien des réserves ; l’auteur méconnaît absolument l’autorité et l’intangibilité des landmarks, et en particulier de celui qui limite le recrutement maçonnique au sexe masculin. Voilà bien des critiques sur le Manual del Maestro ; mai, tout compte fait, l’ouvrage contient assez de considérations intéressantes pour qu’il soit lu avec fruit par ceux des Maçons qui pensent que rien ne peut remplacer la méditation et la compréhension des symboles.