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J. A. LAVIER. Médecine chinoise, médecine totale. 2ème partie

NOTES DE LECTURE

UN LIVRE SUR LA MÉDECINE CHINOISE TRADITIONNELLE

E.T. N° 439 Septembre-Octobre 1973

Passons maintenant à un autre sujet : la psychana­lyse, « question, dit l’auteur, d’une extrême gravité », étant donné les initiatives multiformes de « nos actuels psychologues qui, à divers égards, jouent véritablement le rôle éminemment dangereux d’apprentis sorciers ». M. Lavier n’est pas tendre pour ce qu’il appelle très justement « la toxique psychologie des prétendues profondeurs ». Il écrit : « Que font certains psychanalystes, lorsqu’ils cherchent à rendre conscient ce qui réside dans le subconscient, sinon mettre de l’eau sur le feu, transporter le secteur inférieur dans le conscient (secteur supérieur) ? … De même que la quille est nécessaire à l’équilibre du bateau, le lest du subconscient doit absolument rester à l’état d’immobilité et, dans ce sens précis, certaines écoles semblent prétendre que la position normale d’un bateau est d’avoir la quille en l’air et les voiles dans l’eau ! Tout cela provient de la regrettable confusion commise par ceux qui ont pris l’inférieur pour le supérieur et croient que le subconscient… représente la profondeur même des fonctions psycho-mentales, alors qu’il ne s’agit, en réalité, que de la qualité la plus inférieure que puissent acquérir les idéogènes 1, à un tel point qu’ils sont totalement inutilisables, résidus irrécupérables, de la raison et des automatismes intellectuels. Dans ce sens, le subconscient est en tous points comparable à un vide-ordures de l’intellect. Le plus grand chef-cuisinier du monde est bien obligé de laisser des déchets qui seront versés aux poubelles. Or, est-il pensable un seul instant que le contenu desdites poubelles puisse être de quelque utilité dans la confection d’un prochain repas de gala ?

Qu’on l’exprime bien clairement : il s’agit là d’une authentique subversion, et les malheureux qui se croient guéris par de telles méthodes sont, en réalité, irréversiblement précipités dans le sens de la contre-illumination. »

Examinant la technique de l’intervention psycha­nalytique, l’auteur en souligne les dangers, tant pour le praticien lui-même (à cause du phénomène bien connu du « choc en retour ») que pour le patient, livré sans défense « à tous les influx subtils venus d’en bas ». Et il poursuit : « La plupart des cas de possession viennent de là, et que le lecteur sache bien que ces cas ne sont pas rares, bien au contraire, et nous pouvons même affirmer que beaucoup de malades prétendus atteints de psychose ne sont en fait que des possédés, et que leur cas ne relève aucunement du psychiatre, mais bien plutôt de l’exorciseur, dans la mesure où l’état actuel des religions permet une telle qualification, mais là n’est pas la question. »

Le professeur Lavier aborde aussi la question de la réincarnation. Voici ce qu’il en dit :

« Le seul fait que nous soyons actuellement dans certaines conditions d’existence (l’espace-temps) prouve que nous n’y fûmes jamais antérieurement, et que nous n’y serons jamais plus, ce qui élimine radicalement toute notion de réincarnation (à ne pas confondre avec ce que les sous-traditions appellent métempsycose et transmigration, phénomènes appartenant à certaines catégories de mémoires). Cela n’exclut nullement, au sens métaphysique, la permanence de l’être qui, selon la loi des cycles, persiste au contraire, grâce au centre de son plan supérieur, qualitatif, donc doué d’une durée illimitée que ne possède aucunement la quantité, mais change en quelque sorte d’orbite, c’est-à-dire  de conditions d’existence, chaque fois qu’il termine un cycle pour en commencer un suivant. Donc, si les fantômes ne sont certainement pas des morts qui reviennent, ils n’en existent pas moins pour autant : ce sont des résidus sans individualité aucune, des chevaux anonymes sans aurige 2, disponibles parce que sans char, et qui sont prêts à obéir à n’importe quel ordre, que celui-ci soit conscient, quand le spirite désire voir le spectre de tel ou tel, et lui indique sans en avoir la moindre conscience le comportement qu’il veut qu’il ait. Mais le spiritisme est encore une création du siècle dernier, dont le matérialisme effréné s’est prolongé jusque dans la matérialisation des morts ! Il est bien connu que, lorsqu’un lieu est hanté, il y a toujours un cadavre enterré clandestinement dans les environs, et qu’il suffit alors que le rite funéraire soit accompli pour que les phénomènes de hantise cessent immédiatement et définitivement. »

Ce n’est pas ici le lieu d’exposer en détail les pré­cisions données par le professeur Lavier sur la méde­cine chinoise traditionnelle, dont il met bien en évi­dence les caractères qui la différencient fondamen­talement de la médecine occidentale moderne. Cette dernière, dit-il, « ne reconnaît que ce qu’elle peut appréhender par la mesure, et laisse ainsi échapper les manifestations qualitatives, qui sont pourtant essentielles ». En conséquence, « la médecine occidentale est finalement restée empirique, et le fait de changer cette dénomination au profit d’une médecine expérimentale n’y change rien ». Pour l’auteur, cette médecine expérimentale représente le troi­sième et dernier stade d’une dégénérescence progres­sive dont l’empirisme était le terme moyen. Cette dernière phase voit se développer une succession « d’hypothèses explicatives, lesquelles sont d’ailleurs toujours révisées, voire même souvent abandonnées au profit d’autres plus nouvelles, mais qui n’en subiront pas moins le même sort tôt ou tard. Dans cette période scientifique, la médecine cherche par là à justifier ses actes par des théories établies postérieurement à eux, ce qui est exactement l’inverse de la démarche traditionnelle. Mais en notre époque de subversion, nous sommes habitués à voir un aveugle tâtonnant mettre la charrue devant les  bœufs ! »

L’auteur ne se fait d’ailleurs aucune illusion sur les conséquences de l’occidentalisation accélérée qu’on peut observer actuellement en Orient. « Même en  Chine, dit-il, des techniques comme l’acupuncture sont devenues empiriques, puis scientifiques et, à l’heure actuelle, si l’on y mentionne encore parfois le système des cinq éléments dans certaines écoles et quelques rares traités, ce n’est qu’à titre épisodique, disons même folklorique » 3.

L’acupuncture, dont on vient de parler et qui, pour la plupart de nos contemporains occidentaux, constitue l’essentiel de la médecine chinoise, n’est pourtant, nous dit l’auteur, qu’un des cinq moyens thérapeu­tiques dont cette médecine dispose, et qui sont, par ordre hiérarchique : l’ouverture du conscient 4, l’alimentation, les remèdes 5, l’acupuncture, les in­terventions chirurgicales. Mais, encore une fois, nous n’avons pas qualité pour nous arrêter trop longue­ment sur la partie proprement médicale de l’ouvrage de M. Lavier. Signalons cependant qu’il a bien vu l’in­fluence désastreuse, pour la santé physique et men­tale de nos contemporains, des « poisons » de la civi­lisation moderne que les Occidentaux exportent dans toutes les parties du monde 6.

Un guénonien qui lit l’ouvrage dont nous venons de parler est constamment amené à penser à l’en­seignement de Guénon, et notamment à La Grande Triade et à certains chapitres du Règne de la Quantité 7. La terminologie des deux auteurs est le plus souvent la même 8. Quelques légères différences doctrinales (par exemple sur la « dignité » respective du cœur et du cerveau) pourraient sans doute s’expli­quer par certaines différences de points de vue. Enfin, quelques nuances d’« appréciation » sont évidem­ment le fait des préférences personnelles de l’un et de l’autre. Le professeur Lavier, sinologue, et qui a pour la tradition extrême-orientale une prédilection bien naturelle, « privilégie » en quelque sorte les tra­ditions des peuples sédentaires, peuples qui furent si souvent victimes des incursions des nomades 9. Du moins, il ne nie aucunement la légitimité des tradi­tions des peuples pasteurs. On a vu que, sur tous les points importants, et en particulier sur la référence à la Tradition primordiale, ses positions sont rigou­reusement orthodoxes. La publication d’un tel ouvrage est donc un événement qu’il importait de signaler.

Denys Roman

  1. C’est-à-dire, selon la terminologie de l’auteur, les « ger­mes des idées ». Voir sur ce point les considérations données aux pages 67 et suivantes, appuyées par la figure 11.
  2. L’auteur emploie très fréquemment le symbolisme tradi­tionnel du char traîné par le cheval et dirigé par l’aurige.
  3. Plus loin il écrit : « Nous avons vu en Occident, et  même récemment en Extrême-Orient (où, inspiré que l’on  est maintenant des idées occidentales, on cherche à rendre  l’acupuncture scientifique), des instruments qui n’ont plus  rien de commun avec ceux que la Tradition exige… Ce sont là des aberrations issues, les unes d’une flagrante incompréhension, les autres de directives politiques, les dernières de conceptions scientistes, tout cela ne devant d’aucune façon être considéré comme conforme à la Tradition, n’étant que la conséquence des multiples contingences de l’époque actuelle ». — Le professeur Lavier insiste en particulier sur le danger d’appliquer l’acupuncture sur des points du corps interdits par les règles traditionnelles : « Il nous est arrivé de voir des malades qui avaient reçu un traitement sur des points interdits, de la part de praticiens insuffisamment informés ; et lesdits malades présentaient tous des troubles organiques, nerveux, psychiques, etc., parfaitement irréversibles, résistant à tous les traitements possibles. Ce sont malheureusement des malades irrécupérables, qui suffisent amplement à montrer que ces interdictions ne doivent pas être prises à la légère, quoi qu’en prétendent d’aucun. »
  4. Sur ce point, cf. le chapitre XI de l’ouvrage. « Il s’agit de récupérer dans la mesure du possible le contact avec le Ciel et, cela obtenu, d’exploiter au maximum cette fonction recouvrée ». Nous ne saurions dire si une telle technique est applicable à ceux qui sont étrangers à la tradition extrême- orientale. En tout cas, l’auteur a tenu à marquer très nette­ment que l’« ouverture du conscient » est en quelque sorte l’opposé « bénéfique » de la psychanalyse
  5. Il semble, dit l’auteur, qu’à l’origine la pharmacopée chinoise ne comprenait que 365 plantes. Par la suite, l’empi­risme gagnant, elle en vint à utiliser un nombre considérable de médicaments empruntés aux trois règnes de la nature. Le répertoire de ces remèdes ne compte pas moins de 2.000 pages (pp. 180-181).
  6. Il énumère plusieurs causes graves de déséquilibre phy­siologique : « Voyages de plus en plus rapides, alimentation délirante, tension nerveuse grandissante, vie nocturne, développement de l’agressivité à laquelle tentent de s’opposer des morales bêlantes, parfaitement inefficaces, recherche effrénée du profit et du pouvoir, industries polluantes, thérapeutiques chimiques hautement toxiques, chirurgies mutilantes, médecines standardisées, où la machine apparaît, psychologies démoniaques, enseignement par conditionnement qui éteint tout le plan intellectuel (par développement des automatismes), lequel ne reçoit dès lors plus d’idéogènes,  d’autant que les religions ont perdu tout sens métaphysique. « A cela s’ajoute l’extinction progressive de la cellule familiale. Passons sur les fausses traditions qui empoisonnent  l’esprit en prétendant remplacer la Pensée perdue, spiritisme, astrologie, fausses synthèses des religions, toutes les doctrines fondées sur la théorie de l’évolution ou sur la matérialité des quatre éléments grecs. De toutes ces écoles soi-disant ésotériques, rien ne peut être retenu, bien au contraire. Et ne parlons pas des dangereuses importations d’Orient,  du genre yoga ou zen, véritablement maléfiques pour l’Occidental. Peut-on alors s’étonner que les mères mettent au  monde de plus en plus de monstres, que des maladies nouvelles apparaissent, telles les terribles collagénoses, processus d’autodestruction de l’organisme ? Après cette faillite qu’est la perte des plus hautes fonctions humaines, suivi de l’anarchie du cancer, voici le suicide collagénique. » (pp. 204-206).
  7. Certains points que Guenon n’avait fait qu’aborder en passant sont l’objet, chez M. Lavier, d’une attention particu­lière. On sait qu’à notre époque où la religion se désacralise de plus en plus en Occident, on assiste à une véritable sacra­lisation des activités profanes les plus insignifiantes. Notre auteur écrit : « L’homme cherchera à sacraliser cette activité artificielle et nocive qu’est le sport ou l’entraînement, en instaurant le culte du muscle, pseudo-rituel auquel rien ne manque, depuis le recueillement avant l’effort jusqu’à la parodie de la flamme soi-disant sacrée des olympiades. ». Il faut rappeler que les véritables Jeux Olympiques, ceux des Grecs, avaient un caractère religieux. Il est même dit que par deux fois Pythagore y concourut et y triompha.
  8. Le professeur Lavier, pour désigner le terme inférieur de la Grande Triade, emploie le mot « Sol », alors que Guénon emploie le mot « Terre ».
  9. On sait que la Grande Muraille de Chine fut élevée pour protéger l’Empire contre les invasions des peuples de race turco-mongole.

J. A. LAVIER. Médecine chinoise, médecine totale. 1ère partie

NOTES DE LECTURE

UN LIVRE SUR LA MÉDECINE CHINOISE TRADITIONNELLE

E.T. N° 439 Septembre-Octobre 1973

Qu’un professeur, sociologue et médecin, publie en 1973 un ouvrage tout empreint d’esprit traditionnel authentique 1, cela surprendra sans doute la plupart des lecteurs habituels d’ouvrages médicaux. Mais nous espérons que plusieurs verront là un « signe des temps » favorable, à ajouter à plusieurs autres que nous avons signalés récemment. La couverture du livre est illustrée par une représentation schématique de la Grande Triade, l’Homme, médiateur entre le Ciel et la Terre, étant figuré par la croix 2). Dans un avant-propos dont il faudrait tout citer, le profes­seur Lavier expose d’emblée la considération qu’il porte à la science traditionnelle et le peu de cas qu’il fait de la pseudo-science moderne. Il écrit : « Lorsqu’on définit la tradition… comme étant la science de nos ancêtres, la réaction habituelle est une sceptique ironie chez les plus polis, un tollé hilare chez les autres, tous étant dûment conditionnés par l’enseignement des écoles et des universités, qui prétendent que les ébauches d’êtres humains qu’étaient ces ancêtres ne sauraient avoir eu les vastes connaissances de l’homme de nos jours. »

L’auteur avertit que le propos de son ouvrage est « justement de montrer… que les connaissances traditionnelles, du fait même qu’elles se placent sur un mode qualitatif alors que la science actuelle  est limitée à la stricte quantité, lui sont incontestablement supérieures ». Prenant comme exemple les constructions des anciens, des Pyramides égyptiennes et amérindiennes aux trilithes de Stonehenge, il remarque : « Il est vraiment trop facile de ne voir dans ces constructions que le simple résultat du labeur de fourmis d’une innombrable armée d’esclaves sans aucune formation particulière, travaillant sous les ordres de quelques illuminés tyranniques… C’est l’ensemble des connaissances anciennes, dont les ouvrages d’art précités portent toujours témoignage, que nous transmet la tradition, bien que celle-ci, au cours des âges, se soit scindée en plusieurs sous-traditions. »

L’auteur pense que la tradition des Protochinois, qui remonte « à une époque non historique… est historiquement la plus reculée, et par conséquent la plus proche de la Grande tradition primordiale des hommes ». Il écrit aussi : « En raison de son caractère fondamentalement universel, et afin d’être comprise de chacun hors des expressions vernaculaires, la Tradition utilise le langage des symboles … L’homme actuel n’a plus du tout les mêmes processus de pensée que celui de jadis, et ce qu’on est convenu d’appeler ses motivations sont totalement différentes ; et ce n’est pas là la moindre erreur des historiens, pour qui l’homme est supposé avoir toujours pensé de la même manière.  Connaissance immuable parce que totale, acquise  par d’autres moyens que les dérisoires découvertes  du monde moderne, qui ne fonde sa science fragmentaire et toujours révisée que sur des observations fortuites ou des incidents expérimentaux, la Tradition ne tolère aucune discussion en ce qui concerne son contenu, et par là échappe à toute espèce de critique : ou bien on l’accepte, ou bien on la rejette dans sa totalité, car chacun de ses  éléments est étroitement dépendant de l’ensemble des autres, et ne peut en être abstrait sous aucun prétexte, car il perdrait alors tout son sens. [Mais] nous nous bornerons simplement, dans le présent livre, à donner une sorte de vue d’ensemble de ce qu’est le point de vue traditionnel en matière de médecine, sans chercher pour autant à vulgariser ce qui ne saurait l’être, car qui dit vulgarisation dit simplification, et par la suite altération : C’est la raison pour laquelle nous respecterons soigneusement le mode de pensée propre à la Tradition, et n’utiliserons que lui, sans chercher aucunement à faire appel à des démonstrations dans le style moderne, qui se révéleraient parfaitement inadéquates à notre sujet. »

Partant de tels principes, il n’est pas étonnant que l’auteur ait retrouvé la presque totalité des thèses formulées par Guénon, que pourtant il ne cite jamais et dont il ne semble pas avoir eu connaissance. A chaque page de son ouvrage, d’une lecture passion­nante, apparaît l’identité des positions prises par les deux auteurs. Citons par exemple quelques phrases prises presque au hasard : « Pour la tradition, tout phénomène cyclique s’applique, sans exception aucune à la manifestation et, comme pour l’homme, se produit en même temps sur le plan de la qualité et celui de la quantité, dont les proportions varient selon le moment du cycle… » (p. 25).

Nous ne nous arrêterons pas sur certaines préci­sions ayant trait à la tradition extrême-orientale 3. L’auteur y fait un constant usage de « la loi d’ana­logie, principal instrument de la connaissance tradi­tionnelle » (p. 33). Mais nous insisterons sur quelques sujets d’une grande actualité, et sur lesquels le pro­fesseur Lavier est particulièrement qualifié pour por­ter un jugement, étant donné que ces sujets touchent directement à des disciplines en rapport étroit avec l’art médical.

Voici en quels termes l’auteur parle de la « doc­trine » évolutionniste :

« Depuis le siècle dernier, la science officielle prétend, sans d’ailleurs apporter aucune preuve à ce qu’elle affirme, que l’homme est une sorte d’animal qui se serait peu à peu perfectionné au cours des âges. Étonnante opinion, qui n’est en fin de compte qu’une pure profession de foi, une hypothèse parfaitement gratuite qu’il nous faut accepter à la façon d’un dogme, et selon laquelle la vie serait apparue par hasard au sein de la mer : des « molécules s’étant par hasard associées, se sont soudain et toujours par hasard, mises à absorber certaines choses qui leur plaisaient, et à en rejeter d’autres qui ne leur convenaient plus. Puis, après cette invention du métabolisme, cette cellule forma, en s’associant par hasard à d’autres… une sorte de colonie appelée tissu. Toujours par hasard, ce tissu en trouva d’autres…, s’associa à eux, et ainsi apparut un organisme.

Il paraît que c’était un poisson ; mais ledit poisson… s’ingénia à transformer incontinent ses branchies en poumons et ses nageoires en pattes pour devenir reptile et vivre sur terre.

Notre supposé ancêtre… se fabriqua aussitôt une paire d’ailes à partir de ses ex-nageoires devenues entre temps pattes antérieures, afin de pouvoir réaliser son nouveau rêve : prendre son vol. D’autres…  refusèrent de changer de milieu mais, pour ne pas  être en reste vis-à-vis de leurs ex-semblables, se  mirent à transformer frénétiquement telle ou telle  partie de leur corps, parce qu’il fallait absolument,  semble-t-il, que les transformations s’accomplissent… »

« Nous préférons arrêter là cette trop absurde cascade de miracles jamais vérifiés, au terme de laquelle un homme serait sorti [d’un ancêtre commun  au singe et à l’homme]. Mais alors, comment se fait-il que nous n’assistions plus à ces extraordinaires phénomènes ? Pourquoi les poissons ne deviennent-ils plus reptiles, etc. ? Ces questions… ont  probablement hanté l’esprit des évolutionnistes, car ils devinrent transformistes en s’appuyant sur le phénomène des mutations… Hypothèse de remplacement qui ne résout rien… Quant aux soi-disant mutants que sont les monstres fabriqués en laboratoire par bombardement de radiations ou inoculations de produits les plus divers, le seul caractère qu’ils ont en commun est l’incapacité de se reproduire 4.

Et les hommes primitifs qui vivent encore de nos jours, protestera-t-on ? Voilà où mène la frénésie de chercher une preuve tangible à la théorie, car la tendance des races blanches à se considérer  comme le parfait aboutissement de la chaîne évolutive est telle qu’elles oublient que les Africains  ou les indigènes d’Australie ne sont en rien des primitifs, mais tout au contraire les survivants de  grandes civilisations antérieures. Leurs rites étranges, leurs médecines, ne sont en aucune façon les balbutiements d’une intelligence naissante, mais  bien les bribes d’une tradition qui fut très élaborée, et qu’ils ne comprennent plus 5. »

Pour le professeur Lavier, l’homme actuel « est au terme non d’une évolution mais d’une involution…  et toutes les sous-traditions, aussi bien orientales  qu’occidentales, font état de cette chute de l’homme, d’une dégradation progressive à partir d’un ancêtre supérieur. Au cours de cette déchéance, n’en déplaise à ceux qui prétendent que l’homme se perfectionne de plus en plus à partir d’un ancêtre inférieur, inspirés, ou plutôt conditionnés qu’ils sont par l’évolutionnisme, l’homme vit ses pouvoir diminuer, à tel point qu’il dut chercher une aide extérieure pour survivre. » Cette aide exté­rieure, c’est précisément la médecine.

Plus loin, l’auteur ajoute : « Nous sommes donc actuellement… à la fin d’un cycle… Et puisque l’eau était l’agent de la précédente catastrophe, c’est bien évidemment l’élément opposé [le feu] qui rasera la surface de la planète… Est-il besoin de préciser à quelle sorte de feu destructeur nous pensons ?  (p. 63) ».

A suivre…

  1. Jacques-André Lavier. Médecine chinoise, médecine totale. (Bernard Grasset, Paris).
  2. L’ouvrage est d’ailleurs accompagné de 25 figures sym­boliques illustrant la doctrine cosmologique et anthropologique chinoise.
  3. Voici par exemple quelques détails intéressants sur le moment auquel les Chinois ont fixé le commencement du jour ; « Le point Matin, que la Tradition nomme point du chant du coq, marque le début réel du nycthémère, qui est le moment où le soleil quitte la zone inactive pour passer en zone active. Ce point correspond à trois heures du matin, à mi-chemin entre minuit et six heures (aube un jour « d’équinoxe) ». La détermination de trois heures du matin com­me commencement du nycthémère est une application de la no­tion de « juste milieu », si importante dans la tradition extrême- orientale. On peut faire à ce propos une curieuse remarque. Si l’on passe des représentations temporales aux représen­tations spatiales, trois heures du matin sur le cadran nycthé­méral correspond à la direction Nord-Est sur la rose des vents. Or, dans la Franc-Maçonnerie, la réception au premier degré (qui marque le commencement de la carrière initiatique du nouvel Apprenti) est constituée par un ensemble de « points » dont le dernier est la « prise de possession de l’angle Nord- Est » de la Loge.
  4. Ici comme en d’autres citations, nous avons dû, pour éviter de reproduire des pages entières de l’ouvrage, conden­ser assez considérablement l’exposé de l’auteur, non sans dé­triment, hélas ! pour la rigueur de l’argumentation — et aussi pour la verve du style.
  5. Un autre argument contre la thèse selon laquelle les sauvages actuels seraient des « primitifs », c’est l’extraordi­naire perfection et complexité de leurs langues. Le géographe Jean Brunhes, dans un recueil intitulé Races, publié entre les deux guerres, avait signalé qu’il existe dans la Terre de Feu une tribu (Yaghans ou Alakaloufs) aujourd’hui réduite à une vingtaine d’individus misérables, vivant nus sous un vent per­pétuel et glacial. Or, cette tribu « porte » une langue tellement riche en mots abstraits qu’on pourrait traduire avec elle l’œuvre entière de Shakespeare.