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J. A. LAVIER. Médecine chinoise, médecine totale. 1ère partie

NOTES DE LECTURE

UN LIVRE SUR LA MÉDECINE CHINOISE TRADITIONNELLE

E.T. N° 439 Septembre-Octobre 1973

Qu’un professeur, sociologue et médecin, publie en 1973 un ouvrage tout empreint d’esprit traditionnel authentique 1, cela surprendra sans doute la plupart des lecteurs habituels d’ouvrages médicaux. Mais nous espérons que plusieurs verront là un « signe des temps » favorable, à ajouter à plusieurs autres que nous avons signalés récemment. La couverture du livre est illustrée par une représentation schématique de la Grande Triade, l’Homme, médiateur entre le Ciel et la Terre, étant figuré par la croix 2). Dans un avant-propos dont il faudrait tout citer, le profes­seur Lavier expose d’emblée la considération qu’il porte à la science traditionnelle et le peu de cas qu’il fait de la pseudo-science moderne. Il écrit : « Lorsqu’on définit la tradition… comme étant la science de nos ancêtres, la réaction habituelle est une sceptique ironie chez les plus polis, un tollé hilare chez les autres, tous étant dûment conditionnés par l’enseignement des écoles et des universités, qui prétendent que les ébauches d’êtres humains qu’étaient ces ancêtres ne sauraient avoir eu les vastes connaissances de l’homme de nos jours. »

L’auteur avertit que le propos de son ouvrage est « justement de montrer… que les connaissances traditionnelles, du fait même qu’elles se placent sur un mode qualitatif alors que la science actuelle  est limitée à la stricte quantité, lui sont incontestablement supérieures ». Prenant comme exemple les constructions des anciens, des Pyramides égyptiennes et amérindiennes aux trilithes de Stonehenge, il remarque : « Il est vraiment trop facile de ne voir dans ces constructions que le simple résultat du labeur de fourmis d’une innombrable armée d’esclaves sans aucune formation particulière, travaillant sous les ordres de quelques illuminés tyranniques… C’est l’ensemble des connaissances anciennes, dont les ouvrages d’art précités portent toujours témoignage, que nous transmet la tradition, bien que celle-ci, au cours des âges, se soit scindée en plusieurs sous-traditions. »

L’auteur pense que la tradition des Protochinois, qui remonte « à une époque non historique… est historiquement la plus reculée, et par conséquent la plus proche de la Grande tradition primordiale des hommes ». Il écrit aussi : « En raison de son caractère fondamentalement universel, et afin d’être comprise de chacun hors des expressions vernaculaires, la Tradition utilise le langage des symboles … L’homme actuel n’a plus du tout les mêmes processus de pensée que celui de jadis, et ce qu’on est convenu d’appeler ses motivations sont totalement différentes ; et ce n’est pas là la moindre erreur des historiens, pour qui l’homme est supposé avoir toujours pensé de la même manière.  Connaissance immuable parce que totale, acquise  par d’autres moyens que les dérisoires découvertes  du monde moderne, qui ne fonde sa science fragmentaire et toujours révisée que sur des observations fortuites ou des incidents expérimentaux, la Tradition ne tolère aucune discussion en ce qui concerne son contenu, et par là échappe à toute espèce de critique : ou bien on l’accepte, ou bien on la rejette dans sa totalité, car chacun de ses  éléments est étroitement dépendant de l’ensemble des autres, et ne peut en être abstrait sous aucun prétexte, car il perdrait alors tout son sens. [Mais] nous nous bornerons simplement, dans le présent livre, à donner une sorte de vue d’ensemble de ce qu’est le point de vue traditionnel en matière de médecine, sans chercher pour autant à vulgariser ce qui ne saurait l’être, car qui dit vulgarisation dit simplification, et par la suite altération : C’est la raison pour laquelle nous respecterons soigneusement le mode de pensée propre à la Tradition, et n’utiliserons que lui, sans chercher aucunement à faire appel à des démonstrations dans le style moderne, qui se révéleraient parfaitement inadéquates à notre sujet. »

Partant de tels principes, il n’est pas étonnant que l’auteur ait retrouvé la presque totalité des thèses formulées par Guénon, que pourtant il ne cite jamais et dont il ne semble pas avoir eu connaissance. A chaque page de son ouvrage, d’une lecture passion­nante, apparaît l’identité des positions prises par les deux auteurs. Citons par exemple quelques phrases prises presque au hasard : « Pour la tradition, tout phénomène cyclique s’applique, sans exception aucune à la manifestation et, comme pour l’homme, se produit en même temps sur le plan de la qualité et celui de la quantité, dont les proportions varient selon le moment du cycle… » (p. 25).

Nous ne nous arrêterons pas sur certaines préci­sions ayant trait à la tradition extrême-orientale 3. L’auteur y fait un constant usage de « la loi d’ana­logie, principal instrument de la connaissance tradi­tionnelle » (p. 33). Mais nous insisterons sur quelques sujets d’une grande actualité, et sur lesquels le pro­fesseur Lavier est particulièrement qualifié pour por­ter un jugement, étant donné que ces sujets touchent directement à des disciplines en rapport étroit avec l’art médical.

Voici en quels termes l’auteur parle de la « doc­trine » évolutionniste :

« Depuis le siècle dernier, la science officielle prétend, sans d’ailleurs apporter aucune preuve à ce qu’elle affirme, que l’homme est une sorte d’animal qui se serait peu à peu perfectionné au cours des âges. Étonnante opinion, qui n’est en fin de compte qu’une pure profession de foi, une hypothèse parfaitement gratuite qu’il nous faut accepter à la façon d’un dogme, et selon laquelle la vie serait apparue par hasard au sein de la mer : des « molécules s’étant par hasard associées, se sont soudain et toujours par hasard, mises à absorber certaines choses qui leur plaisaient, et à en rejeter d’autres qui ne leur convenaient plus. Puis, après cette invention du métabolisme, cette cellule forma, en s’associant par hasard à d’autres… une sorte de colonie appelée tissu. Toujours par hasard, ce tissu en trouva d’autres…, s’associa à eux, et ainsi apparut un organisme.

Il paraît que c’était un poisson ; mais ledit poisson… s’ingénia à transformer incontinent ses branchies en poumons et ses nageoires en pattes pour devenir reptile et vivre sur terre.

Notre supposé ancêtre… se fabriqua aussitôt une paire d’ailes à partir de ses ex-nageoires devenues entre temps pattes antérieures, afin de pouvoir réaliser son nouveau rêve : prendre son vol. D’autres…  refusèrent de changer de milieu mais, pour ne pas  être en reste vis-à-vis de leurs ex-semblables, se  mirent à transformer frénétiquement telle ou telle  partie de leur corps, parce qu’il fallait absolument,  semble-t-il, que les transformations s’accomplissent… »

« Nous préférons arrêter là cette trop absurde cascade de miracles jamais vérifiés, au terme de laquelle un homme serait sorti [d’un ancêtre commun  au singe et à l’homme]. Mais alors, comment se fait-il que nous n’assistions plus à ces extraordinaires phénomènes ? Pourquoi les poissons ne deviennent-ils plus reptiles, etc. ? Ces questions… ont  probablement hanté l’esprit des évolutionnistes, car ils devinrent transformistes en s’appuyant sur le phénomène des mutations… Hypothèse de remplacement qui ne résout rien… Quant aux soi-disant mutants que sont les monstres fabriqués en laboratoire par bombardement de radiations ou inoculations de produits les plus divers, le seul caractère qu’ils ont en commun est l’incapacité de se reproduire 4.

Et les hommes primitifs qui vivent encore de nos jours, protestera-t-on ? Voilà où mène la frénésie de chercher une preuve tangible à la théorie, car la tendance des races blanches à se considérer  comme le parfait aboutissement de la chaîne évolutive est telle qu’elles oublient que les Africains  ou les indigènes d’Australie ne sont en rien des primitifs, mais tout au contraire les survivants de  grandes civilisations antérieures. Leurs rites étranges, leurs médecines, ne sont en aucune façon les balbutiements d’une intelligence naissante, mais  bien les bribes d’une tradition qui fut très élaborée, et qu’ils ne comprennent plus 5. »

Pour le professeur Lavier, l’homme actuel « est au terme non d’une évolution mais d’une involution…  et toutes les sous-traditions, aussi bien orientales  qu’occidentales, font état de cette chute de l’homme, d’une dégradation progressive à partir d’un ancêtre supérieur. Au cours de cette déchéance, n’en déplaise à ceux qui prétendent que l’homme se perfectionne de plus en plus à partir d’un ancêtre inférieur, inspirés, ou plutôt conditionnés qu’ils sont par l’évolutionnisme, l’homme vit ses pouvoir diminuer, à tel point qu’il dut chercher une aide extérieure pour survivre. » Cette aide exté­rieure, c’est précisément la médecine.

Plus loin, l’auteur ajoute : « Nous sommes donc actuellement… à la fin d’un cycle… Et puisque l’eau était l’agent de la précédente catastrophe, c’est bien évidemment l’élément opposé [le feu] qui rasera la surface de la planète… Est-il besoin de préciser à quelle sorte de feu destructeur nous pensons ?  (p. 63) ».

A suivre…

  1. Jacques-André Lavier. Médecine chinoise, médecine totale. (Bernard Grasset, Paris).
  2. L’ouvrage est d’ailleurs accompagné de 25 figures sym­boliques illustrant la doctrine cosmologique et anthropologique chinoise.
  3. Voici par exemple quelques détails intéressants sur le moment auquel les Chinois ont fixé le commencement du jour ; « Le point Matin, que la Tradition nomme point du chant du coq, marque le début réel du nycthémère, qui est le moment où le soleil quitte la zone inactive pour passer en zone active. Ce point correspond à trois heures du matin, à mi-chemin entre minuit et six heures (aube un jour « d’équinoxe) ». La détermination de trois heures du matin com­me commencement du nycthémère est une application de la no­tion de « juste milieu », si importante dans la tradition extrême- orientale. On peut faire à ce propos une curieuse remarque. Si l’on passe des représentations temporales aux représen­tations spatiales, trois heures du matin sur le cadran nycthé­méral correspond à la direction Nord-Est sur la rose des vents. Or, dans la Franc-Maçonnerie, la réception au premier degré (qui marque le commencement de la carrière initiatique du nouvel Apprenti) est constituée par un ensemble de « points » dont le dernier est la « prise de possession de l’angle Nord- Est » de la Loge.
  4. Ici comme en d’autres citations, nous avons dû, pour éviter de reproduire des pages entières de l’ouvrage, conden­ser assez considérablement l’exposé de l’auteur, non sans dé­triment, hélas ! pour la rigueur de l’argumentation — et aussi pour la verve du style.
  5. Un autre argument contre la thèse selon laquelle les sauvages actuels seraient des « primitifs », c’est l’extraordi­naire perfection et complexité de leurs langues. Le géographe Jean Brunhes, dans un recueil intitulé Races, publié entre les deux guerres, avait signalé qu’il existe dans la Terre de Feu une tribu (Yaghans ou Alakaloufs) aujourd’hui réduite à une vingtaine d’individus misérables, vivant nus sous un vent per­pétuel et glacial. Or, cette tribu « porte » une langue tellement riche en mots abstraits qu’on pourrait traduire avec elle l’œuvre entière de Shakespeare.

Note introductive 1

Avertissement

 

2008 : La Lettera G / La Lettre G, N° 8

Denys ROMAN : « Pythagorisme et Maçonnerie »

Les réflexions de Denys Roman que nous présentons aujourd’hui constituent le chapitre premier de son ouvrage René Guénon et les Destins de la Franc-Maçonnerie publié aux Editions de l’Œuvre en 1982 et repris par les Editions Traditionnelles à Paris en 1995. Ce texte fut primitivement publié par la revue “Etudes Traditionnelles” en 1950.
L’auteur s’est inspiré du contenu de certains chapitres de l’ouvrage d’Arturo Reghini Les Nombres Sacrés dans la Tradition Pythagoricienne Maçonnique dans sa version originale, et en a élargi le propos, notamment dans le rapprochement établi entre la présence de symboles communs aux traditions pythagoricienne et maçonnique, et, par conséquent, certains aspects significatifs de leur perspective. Continuer la lecture