Magister. Manual del Maestro secreto (Editorial Kier, Buenos Aires).
[Compte rendu publié dans les E. T. Nº 307, avril-mai 1953, p. 150-152]
Dans cet ouvrage, encore plus intéressant que les précédents, l’auteur s’est attaqué hardiment à un problème que beaucoup pourraient croire insoluble. Dans le « chaos » des hauts-grades maçonniques, combien y en a-t-il de vraiment indispensables, et quels sont-ils ? L’auteur, qui a pris comme base de départ les 30 degrés du rite ancien et accepté, pense que les hauts-grades doivent être au nombre de 9, parce qu’il y eut 9 Maîtres qui participèrent à la recherche et à la découverte du corps d’Hiram. Précisons tout de suite que, s’il en est bien ainsi au rite écossais, au rite d’York il est question de 15 Compagnons, répartis en 3 Loges dont chacune eut une destinée particulière qu’il pourrait être utile d’examiner. La première Loge échoua dans ses recherches ; la seconde retrouva le corps d’Hiram (c’est-à-dire la Parole perdue) ; la troisième Loge tira vengeance des meurtriers. Or, il faut remarquer que le Ier Temple, celui de Salomon, fut ruiné à cause de l’« infidélité » de son fondateur (c’est ce que les Pères de l’Église ont appelé la « chute » de Salomon, que certains comparent à la « chute » d’Adam ; cf. I Rois, XI, 1-13 ; II Rois, XXIII, 13-15 ; Néh. XIII, 23-27). Le second Temple, celui de Zorobabel, réalisa sa mission qui était de « recevoir la Paix », et il est écrit que « la gloire de ce second Temple sera plus grande que celle du premier » (cf. Aggée. II, I-9). Enfin, le 3e Temple maçonnique est l’Ordre du Temple, détruit malgré sa fidélité, et dont la « vengeance » est le thème de plusieurs des hauts-grades. Il y a certainement là autre chose que l’effet d’un simple hasard, d’autant plus que la Parole maçonnique, perdue dans les premiers grades qui ont trait au Temple de Salomon, est déclarée formellement être retrouvée dans la Sainte Royale Arche, qui se rapporte au Temple de Zorobabel. Pour toutes ces raisons, nous pensons que le nombre total des grades maçonniques devrait être de 15, dont 3 grades bleus et 12 hauts-grades. Il y aurait lieu aussi d’examiner où doit se placer le grade « Prince Rose-Croix », qui est un grade essentiellement « chrétien », dont le thème est la passion et la résurrection de celui que certains rituels ont appelé « le Maître par excellence, Jésus de Nazareth ». Il existe de ce grade plusieurs versions, dont l’une a été incorporée aux 33 degrés de l’écossisme. La vérité est que ce grade, qui a trait à un Temple indestructible, ou plutôt incessamment renaissant, comme le Phénix (cf. la parole du Christ : « Détruisez ce Temple, et je le rebâtirai en trois jours ») est en dehors de la série « linéaire » de tous les rites, ce qui est facile à constater, même au rite ancien et accepté. « Magister » adopte, comme hauts-grades à conserver, les 9 grades « écossais » suivants : Maître secret, Élu, Parfait et Sublime Maçon, Chevalier de l’Orient, Prince Rose-Croix, Chevalier du Soleil, Grand Élu Chevalier Kadosch, Sublime Prince du Royal Secret, Souverain Grand Inspecteur général. La correspondance qu’il tente d’établir entre ces grades et ceux du rite d’York ne nous a pas paru très convaincante. Mais nous devons signaler une idée de l’auteur qui nous semble des plus heureuses. Il a envisagé de répartir les innombrables symboles de la Maçonnerie entre les grades qu’il conserve, de façon à ne rien laisser perdre de cet « héritage ». Prenons un exemple qui nous fera mieux comprendre. Dans le grade de « Maître secret », qu’il conserve, il fait entrer certains des éléments rituels de grades écossais qu’il abandonne, tels celui de « Maître parfait », où se trouve notamment la formule : « Le Maître parfait connaît le cercle et sa quadrature ». C’est à ce grade de Maître secret, étendu et enrichi, qu’est consacré le volume dont nous rendons compte, et qui étudie entre autres les symboles suivants : le tombeau d’Hiram, les pyramides d’Égypte, la translation du cœur, le laurier et l’olivier, la clé, le point au centre du cercle (hiéroglyphe de l’« œuf du monde »), l’œil, la tétraktys, les quatre enseignements du Sphinx, enfin les symboles proprement kabbalistiques, si nombreux dans les grades « de perfection » : l’arbre des Séphiroth , arche d’alliance, le chandelier à 7 branches, les dix commandements. Les rites de réception de ce grade nouveau sont évidemment beaucoup plus riches que ceux du Maître secret « officiel ». Nous disons qu’il s’agit d’un grade nouveau (et nous ne savons même pas si les divers Suprêmes Conseils réguliers consentiraient à homologuer de tels rites) ; mais il faut bien préciser que seuls sont nouveaux le rassemblement et l’enchaînement de rites maçonniques authentiques, dispersés en des grades pratiquement abandonnés, parce qu’ils sont donnés « par communication ». L’auteur, dont la prudence à cet égard nous semble parfaite, est visiblement persuadé que, selon la formule rituelle : « Il n’est au pouvoir de personne de faire des innovations dans le corps de la Maçonnerie », et aussi que tout dans l’Ordre peut se ramener à une triple origine : égyptienne, gréco-latine et judéo-chrétienne (Les Old Charges sont d’ailleurs formels sur ce point). C’est pourquoi, malgré sa connaissance des doctrines orientale, Il n’a pas été tenté d’y recourir pour « enrichir » les rites traditionnels. Nous signalerons que, comme toujours, la dernière partie du livre (« application opérative ») est, à notre avis, la moins bonne de toutes. Mais l’ouvrage contient une telle documentation, et des aperçus si dignes d’intérêt, que nous le recommandons sans hésiter à tous les Maçons, et que nous souhaitons l’apparition rapide du volume suivant, qui sera consacré aux grades de vengeance.
Denys Roman.